Dès ce soir, au Rideau Vert, Denis Bouchard et Éric Bruneau s'affrontent dans la jungle immobilière imaginée par David Mamet. Trente ans après sa création, Glengarry Glen Ross demeure une satire féroce de notre société qui carbure à la compétition. Un monde où les gagnants, pour mieux vaincre, écrasent les perdants sans merci.

Denis Bouchard a pris l'expression «break a leg» (l'équivalent de «merde» pour le milieu du théâtre anglo-saxon) au pied de la lettre. Moins de deux semaines avant la première de Glengarry Glen Ross, il a glissé sur une plaque de glace et s'est cassé une jambe. Il jouera donc, dès ce soir au Rideau Vert, avec une canne; Frédéric Blanchette a remanié sa mise en scène à la dernière minute.

«La fonction crée l'organe», tranche le comédien, qui a pour partenaires de scène Éric Bruneau, Fabien Cloutier, Luc Bourgeois, Renaud Paradis, Mani Soleymanlou... Le comédien a également signé la traduction de la pièce de David Mamet, reconnue pour la force de ses dialogues et la cruauté de la situation.

Un beau défi pour l'acteur de 30 vies. «Je me suis amusé pendant deux ans à travailler et retravailler ce texte, dit-il. Le plus difficile chez Mamet, c'est davantage dans ce qui n'est pas écrit que dans les mots: les silences, les phrases incomplètes, les juxtapositions, car souvent les personnages parlent en même temps.»

Avec ses huit acteurs, la plus célèbre pièce de Mamet est gonflée à la testostérone: «On est dans le vestiaire», illustre Bouchard. Elle est aussi «très vulgaire», avec une langue très dure, très crue. Il y a autant de fuck dans cette pièce que dans un film de Quentin Tarantino. 

La guerre, yes sir!

Un cadre supérieur d'une importante société immobilière annonce aux vendeurs une importante restructuration des effectifs. Pour y arriver, il organise un concours pour ses employés: les meilleurs resteront et se verront confier une liste d'acheteurs potentiels, les autres seront mis à la porte. Alors se déclare une guerre ouverte parmi la petite équipe de vendeurs. Tout le monde lutte pour conserver sa place, et toutes les bassesses sont permises.

La pièce s'inspire en partie des expériences de David Mamet dans les agences immobilières de Chicago, où il a travaillé à la fin des années 60.

«C'est une véritable rat race, explique Denis Bouchard. À l'instar de Brecht, Mamet pense que le pire ennemi de l'homme, c'est l'homme.»

«[Mamet] nous montre ce qu'il y a de plus horrible dans la nature humaine, assoiffée de richesse et de pouvoir.»

Denis Bouchard joue le rôle du «vieux» Shelly Levene, qui a été défendu à Broadway par Alan Alda et Al Pacino, entre autres, et par Jack Lemmon au grand écran.

Un classique contemporain

Le titre est l'union des noms des deux agences immobilières où travaillent les personnages: Glengarry Highland et Glen Ross Farms. Créée en 1983 à Londres, la pièce a eu droit à trois productions différentes à Broadway en 25 ans. Mamet a reçu un prix Pulitzer et une nomination pour le Tony de la meilleure pièce en 1984.

En 1992, Mamet a signé le scénario de l'adaptation de sa pièce au cinéma, qui lui a valu une nomination aux Oscars. L'auteur y avait ajouté le fameux monologue d'Alec Baldwin, le king des ventes qui fait un pitch délirant sur l'art de fermer ses comptes à l'équipe de représentants «sans couilles». Scène que Bouchard a intégrée dans sa version pour le Rideau Vert.

«C'est un grand numéro d'acteur, un show de boucane», dit l'acteur, qui est heureux de travailler avec le metteur en scène Frédéric Blanchette, un «spécialiste de Mamet».

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Glengarry Glen Ross de David Mamet. Mise en scène de Frédéric Blanchette. Jusqu'au 27 février au Rideau Vert.