Emmanuel Schwartz interprète huit personnages dans Les événements à La Licorne. La pièce raconte l'histoire d'une tuerie, inspirée des événements tragiques de l'île norvégienne d'Utoya.

Emmanuel Schwartz ne joue pas Anders Behring Breivik dans la pièce de l'Écossais David Greig (Yellow Moon), même si elle est inspirée du drame de 2011. Il joue un tueur sans nom en plus de sept autres personnages. Il a coupé sa barbe et ses cheveux longs qu'il a teints en blanc. Cela lui donne un petit air... inquiétant!

«C'est quand même terriblement inquiétant de savoir qu'il y a eu aux États-Unis, dans les 1050 derniers jours, 1050 tueries, soit plus d'une personne tuée par balles, dit-il. En même temps, la pièce a l'ambition de tenter, aussi cruel que cela puisse paraître, de théoriser et de métaphoriser cette problématique.»

Les événements récents à Paris et San Bernardino montrent, malheureusement, la nécessité d'une telle oeuvre créée il y a deux ans.

«Je ne sais pas comment l'air du temps avance, soutient Emmanuel Schwartz. Je me sens au bon endroit dans ce propos-là, maintenant. Ce genre de pièce nous rejoint tous.»

Entre noir et blanc

Dans cette production acclamée depuis ses débuts, toutefois, rien n'est tout noir ou tout blanc. On navigue souvent dans les zones troubles de gris.

«C'est la beauté de l'oeuvre d'art. La sculpture est au centre de la pièce et on circule autour. Personne ne voit exactement la même chose. Tout le monde peut en retirer quelque chose. La pièce de Greig est extrêmement habile. Il y a quelque chose d'implacable dans sa manière d'aller au fond de la problématique.»

En plus du rôle du tueur, auquel fait face la directrice (Johanna Nutter) de la chorale dont les membres sont ses victimes, Emmanuel Schwartz interprète sept autres personnages.

«Le coeur de la pièce, on le trouve dans la projection que se font le tueur et la directrice de chorale l'un pour l'autre, laisse entendre  le comédien. Elle lui demande ce qu'il est et il répond par une énumération très éloquente. Je suis un vide qui nous attire. Je suis malade, mort, perdu et seul. Je suis un rien d'où n'émergent que des ténèbres et une question. La seule question possible. Qu'est-ce qu'on peut faire de moi?»

La violence en soi

La directrice de la chorale lui répond qu'elle pourrait le tuer. La violence est donc là partout et en chacun de nous.

«Des fois, je suis à ce point ébranlé par la culture du divertissement et l'inutilité crasse de ce qu'on met à la télévision que moi aussi ça [pourrait me rendre] violent», confie Emmanuel Schwartz avec son air d'éternel adolescent qui joue pourtant sur les planches depuis 14 ans.

Personnalités multiples

Après la pièce Alfred présentée au Théâtre d'Aujourd'hui l'an dernier, qu'il a coécrite et où il jouait 12 personnages, Emmanuel Schwartz replonge donc dans un jeu aux personnalités multiples.

«Less is more. Avec Alfred, je me disais qu'il fallait les jouer très différents, mais je me suis aperçu que plus je les rapprochais de moi, plus c'était juste. Ici, moins j'en fais, plus le public peut projeter. C'est presque une énigme à clef.»

Très heureux de travailler avec le metteur en scène Denis Bernard, le comédien, qui vient d'une famille de musiciens, aime aussi le fait que la musique soit omniprésente dans le spectacle avec une chorale de neuf chanteurs.

Radicalité

Favorable aux propositions artistiques assez radicales, Emmanuel Schwartz continue d'écrire. Il travaille avec un ami belge à une pièce mêlant le théâtre et les arts visuels. Passionné, il dit avoir la chance de faire des choix qui s'accordent avec ses envies.

«Je ne suis pas contre les téléromans ou contre l'argent. Mais j'en ferais 45 dans une année pour aller au bout de cette expérience-là. J'ai tâté du Fabienne Larouche l'été denier. C'est à la fois aberrant et fascinant. Ce n'est pas parce que c'est mainstream qu'il n'y a pas de radicalité cachée quelque part.»

La pièce Les événements est présentée à La Licorne jusqu'au 20 février.