PARLE... C'est le premier mot de Si les oiseaux, une pièce de la Torontoise Erin Shields à l'affiche du Prospero. Ce mot sera souvent répété au cours de la représentation, car l'auteure a écrit cette pièce justement pour briser le silence autour de la culture du viol. Un silence rempli de la lourde culpabilité qui ronge les femmes violées depuis la nuit des temps.

D'ailleurs, Shields s'est inspirée d'un mythe grec tiré des Métamorphoses d'Ovide, où des femmes victimes de viol se transforment en oiseaux et tentent de se libérer en s'envolant. Sa pièce juxtapose l'histoire ancienne aux témoignages d'un choeur de cinq femmes, représentant des victimes de viols durant des guerres plus récentes.

Relecture d'un mythe

C'est donc une relecture du mythe qui raconte le viol de Philomèle par son beau-frère Térée, roi de Thrace. Pressé par sa femme d'aller chercher Philomèle à Athènes, son guerrier de mari va plutôt la violer, lui couper la langue puis la laisser pour morte. Inconsolable, Philomèle découvrira la vérité des années plus tard. Sa vengeance sera terrible.

On aurait bien aimé être frappé par la «puissance» du texte, comme l'écrit dans le programme la metteure en scène Geneviève L. Blais. Hélas, le récit - pourtant riche de sens tragique - distille l'ennui.

L'auteure aborde son sujet avec tellement de manichéisme, de clichés sexistes, de raccourcis dramatiques qu'elle en fait un brûlot féministe qui s'étire inutilement durant deux heures.

Dès les premières minutes, les dés sont jetés : l'homme est le fardeau de la femme. Les personnages masculins sont des guerriers phallocrates, despotes et violeurs. «Leur ustensile de chair qui contient leurs ambitions amoureuses» (sic) se gonfle pour mieux détruire l'innocence, la virginité et la pureté des femmes. Le choeur, costumé de haillons pour illustrer des oiseaux rapaces, entonne solennellement un hymne à... l'hymen. On cite de mémoire : «Ô hymen ! mince toile qui protège la virginité.» Les fondamentalistes chrétiens vont aimer...

Malgré la mise en scène soignée et le raffinement de cette production (distribution excellente, avec Catherine De Léan et Marie-Ève Milot en têtes d'affiche ; décor imposant et bien utilisé ; trame sonore riche de Symon Henry), le spectacle passe à côté de son but, de sorte que l'on reste de glace devant cette histoire atroce et (malheureusement) encore actuelle.

Au Prospero jusqu'au 31 octobre.