Certaines rencontres d'anciens transcendent l'échange de souvenirs de mauvais coups glorifiés par le temps: «T'en rappelles-tu, la fois que...» Ces rencontres - que les vieux latinistes des collèges classiques appellent conventum - débouchent parfois sur des projets qui dépassent le partage d'un passé commun pour accéder à l'histoire.

Ainsi cette soirée de théâtre qu'organisent le lundi 2 novembre au Gesù les membres du conventum 64 du collège Sainte-Marie. Cet événement marquera le 150e anniversaire de la célèbre salle de la rue de Bleury et le 50e anniversaire de la fondation de trois institutions du théâtre québécois: l'Atelier de théâtre du CSM, le Festival intercollégial de théâtre et la Nouvelle Compagnie théâtrale.

«L'idée nous est venue en parlant théâtre lors de notre rencontre de 2014», explique le metteur en scène Jean Leclerc, lui-même un membre du conventum 64 du collège Sainte-Marie (dans la chronologie du CSM, le conventum fait référence à l'année où les étudiants complétaient la classe de rhétorique, c'est-à-dire la sixième des huit années du cours classique). «On a vu que tout ça concordait et on s'est dit: il faut faire quelque chose.»

En mémoire de Françoise Graton

Et l'idée a jailli de ramener sur la scène du Gesù, l'ancienne salle académique du CSM, ceux et celles qui, devenus plus tard avocats, syndicalistes ou comédiens, y avaient joué au milieu des bouillonnantes années 60. «Et dans les mêmes rôles!», précise Jean Leclerc, élu par acclamation au poste de «rassembleur». Pas une mince affaire...

Premier nom sur sa liste: Gilles Pelletier, cofondateur de la NCT avec sa compagne Françoise Graton (et Georges Groulx), décédée l'an dernier et en mémoire de qui les profits de la soirée seront remis au Théâtre Denise-Pelletier, qui poursuit la mission de la NCT auprès du public étudiant.

M. Pelletier, 90 ans, récitera les stances de Don Rodrigue, rôle qu'il a tenu dans Le Cid de Corneille, monté par la NCT à sa première saison en 1964.

«Que je sens de rudes combats/Contre mon propre honneur mon amour s'intéresse/Il faut venger un père et perdre une maîtresse/L'un m'anime le coeur, l'autre retient mon bras.»

Viendra aussi au lutrin pour un extrait des Troyennes (Euripide), aussi présenté par la NCT au Gesù, Edgar Fruitier.

«Des Douze hommes en colère de l'Atelier de théâtre de Gilles Marsolais, il en reste sept et nous serons tous là», précise Jean Leclerc, qui dit n'avoir essuyé aucun refus. «Quand je soulignais que c'était à la mémoire de Françoise Graton, tout le monde disait: je suis là!»

Parmi les Sept hommes en colère, outre Jean Leclerc lui-même: l'ex-radioman Jacques Camirand et l'avocat Étienne Panet-Raymond.

Toujours pour évoquer l'Atelier, l'ancêtre des options théâtre des cégeps modernes, la cinéaste Micheline Lanctôt sera au Gesù pour lire un extrait du Baladin du monde occidental (de John Millington Synge) et Marie Eykel, inoubliable Passe-Partout, pour Le songe d'une nuit d'été de Shakespeare.

Pour Le journal d'Anne Frank qu'avait montée à l'été de 1964 le Théâtre de l'Échelle, une troupe étudiante indépendante, Marie-Josée Longchamps reprendra le rôle-titre tandis que Jean Leclerc, l'espace de 15 minutes, redeviendra le père, Otto, avec, à ses côtés, Édith, la mère, qu'interprétait Claudette Carbonneau, première femme à présider une centrale syndicale québécoise (CSN, 2002-2011). Et qui remontera sur la scène du Gesù dans le rôle de Miep Gies, celle qui découvre le fameux journal? Louise Marchand, l'ancienne présidente de l'Office québécois de la langue française.

Louise Deschâtelets et Marc Laurendeau animeront ce conventum théâtral, sur des textes pas trop dramatiques - on le verra - du scripteur Jean-Pierre Plante, membre du conventum 68, le dernier du collège Sainte-Marie, une institution jésuite qui a lancé dans la cité des centaines de talents fort divers.

Le Théâtre Denise-Pelletier a besoin d'argent pour remplir sa mission auprès des étudiants qui, eux, ont peut-être plus besoin d'art que d'argent: voilà l'enjeu. Le prix: 125$ avec reçu d'impôt, vin et «petites sandwichs pas-de-croûte».

Ad Majorem Dei Gloriam.

Et le livre?

L'Union des écrivains québécois demande aux partis fédéraux de faire connaître leurs positions sur l'industrie du livre, en regard notamment de la Loi sur le droit d'auteur dont les nombreuses exceptions apportées par le gouvernement Harper ont «précarisé la situation économique des écrivains», et de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité qui, argue-t-on, devrait mieux protéger les auteurs en cas de faillite de leur éditeur.

Sauf erreur, la seule présence du livre dans cette campagne est l'appui des candidats du Bloc québécois de l'est du Québec aux Éditions Trois-Pistoles de Victor-Lévy Beaulieu, qui conteste la directive du ministère du Patrimoine canadien obligeant les éditeurs à mentionner dans leurs livres l'apport fédéral dans les deux langues officielles.

Ça ne fait vraiment pas du livre un enjeu...

À l'agenda

Chez Georges-Émile - L'humoriste Daniel Lemire, un brillant conteur, inaugure jeudi, de 17 h à 17 h 45, la série d'entretiens Chez Georges-Émile, qu'animera jusqu'au printemps Catherine Pogonat à l'Espace culturel Georges-Émile-Lapalme de la Place des Arts.

OFF Jazz - Dans le cadre de l'Année Derome, l'OFF Jazz présente mercredi Jean Derome et les Dangereux Zhoms (Dostaler, Cartier, Tanguay), à qui se joindront neuf autres musiciens montréalais. Voilà qui risque de faire rugir le Lion d'Or.