« Le coeur de Montréal est ici, au coin de Bernard et Champagneur... » Raymond Cloutier, directeur général et artistique du Théâtre Outremont, blaguait à peine hier en lançant cette boutade, avant le dévoilement de la programmation de son « théâtre de tous les possibles » où la danse côtoie le cirque et le théâtre, où la musique s'étale dans toutes ses sonorités d'ici et d'ailleurs : chanson nouvelle et variété rétro, jazz, symphonie et musiques du monde.

L'Outremont, « presque un trou noir » il y a quatre ans encore, pourrait être considéré comme un lieu émergent tellement il a été submergé de problèmes au cours de la dernière décennie : manque de vision, manque de foi et de présence, manque de fonds.

Mais, cinq ans après sa constitution en corporation et cinq mois après que la Ville de Montréal en eut assuré la pérennité, le théâtre fondé en 1929 et classé monument historique est maintenant prêt à jouer son rôle de « théâtre métropolitain » avec ses grandes affiches et de « théâtre de proximité » avec ses dizaines de spectacles à l'intention des familles, des écoliers et des enfants de tous âges.

On ne se surprendra guère que, dirigé par un comédien, l'Outremont se donne une majeure en théâtre : la production du TNM, mise en scène de Lorraine Pintal, d'Albertine, en cinq temps de Michel Tremblay, en septembre, suivra la présentation de captations filmées de trois pièces de Shakespeare au prestigieux festival de Stratford. Dans le plus moderne, Instructions pour un éventuel gouvernement socialiste qui souhaiterait abolir la fête de Noël, pièce au joli nom présentée en 2013 au Théâtre d'Aujourd'hui - avec Luc Picard et Sophie Desmarais -, amorcera sa tournée québécoise à l'Outremont en octobre.

Comme Émile Proulx-Cloutier y avait lancé la sienne l'an passé ; le jeune chanteur et comédien y donnera la (les ?) dernière(s) représentation(s) d'Aimer les monstres - il aura atteint l'impressionnant total de 130 - dans ce que lui seul peut appeler « le théâtre à papa »... « Der de der de der » aussi de Damien Robitaille, mais première de la Maison du monde de Catherine Major, qui devrait attirer pas mal de monde avenue Bernard, aux premiers jours du printemps. Tout comme Susie Arioli un peu avant.

Ailleurs au programme musical : Thomas Hellman avec huit soirs de Rêves américains, la pianiste Marianne Trudel et le trompettiste Jacques Kuba Séguin en jazz, le bluesman américain Victor Wainwright, deux concerts de klezmer et DakhaBrakha, un groupe « ethno-chaos » d'Ukraine avec ses troublantes polyphonies.

Ici, les « voix de poitrine » du trio (féminin) Brassières Shop ; là, La tournée des idoles Chartwell avec Michèle Richard, Claude Valade, Patsy Gallant, Chatelaine, Jean Nichol et Gilles Girard... D'aucuns pourraient avancer que, malgré l'éclectisme souhaité et assumé de l'Outremont, ce spectacle détonne... 

« L'Outremont n'est pas un théâtre bourgeois. », soutient Raymond Cloutier, soulignant que seule compte la qualité.

Pas de doute là-dessus avec la Compagnie Finzi Pasca (Bianco su Bianco) ni avec le bandonéoniste Romulo Larrea. « Douze artistes sur scène, c'est chose courante à New York mais ici, c'est plus rare, nous dira le maître montréalais du tango. Heureusement, il y a des lieux comme le Théâtre Outremont qui nous donnent cette opportunité. »

Et, au fil des prochains mois, l'occasion de travailler dans des conditions techniques améliorées, l'Outremont se lançant dans une mise à niveau « totale et globale ». Voilà, outre la programmation vaste et dense, l'autre bonne nouvelle émanant du « premier théâtre municipal de l'histoire de la Ville de Montréal ».