Serge Postigo vient de décrocher un MBA pour cadre de l'Université McGill-HEC Montréal. Postigo est l'unique artiste parmi la cohorte 2015 d'une trentaine de diplômés qui comprend des PDG, directeurs, entrepreneurs et cadres supérieurs du monde des affaires.

Le comédien et metteur en scène avait entrepris sa maîtrise en administration des affaires il y a deux ans, sous les conseils du président de Juste pour rire, Gilbert Rozon. Ce dernier avait reconnu les qualités de gestionnaire de Postigo à l'époque où il a travaillé au festival d'humour. «Il faut être créatif pour faire de la mise en scène, mais c'est aussi beaucoup de gestion», explique l'acteur de 46 ans en entrevue avec La Presse.

Son mémoire de MBA porte sur «le design expérientiel dans le monde des arts de la scène». Un champ de pratique émergent en marketing qui prise la communication d'une expérience client marquante et immersive.

Le projet de Postigo propose un nouveau modèle d'affaires dans l'industrie du spectacle pour prolonger son cycle de vie. Un modèle qui implique les interprètes et le public dans le mode de production. Son mémoire d'une centaine de pages développe les avantages de cette forme «d'actionnariat du spectacle», à l'intérieur duquel les acteurs seraient, entre autres, bénéficiaires de la vente des billets.

«Trop souvent, les interprètes voient le producteur comme un mal nécessaire, estime Postigo. Je pense qu'il faut décloisonner les fonctions et impliquer les acteurs dans le succès des shows, par exemple avec un pourcentage des recettes sur les supplémentaires. En partageant les risques et les profits d'un spectacle, les comédiens ne seront pas seulement des employés pigistes engagés quelques semaines.»

REVOIR LE MODÈLE D'AFFAIRES

Mais pourquoi vouloir bouleverser une industrie déjà précaire? «Justement, on n'a pas le choix, répond-il. Depuis quelques années, il y a une baisse de la fréquentation des salles. Il faut revoir nos priorités, nos façons de fonctionner. Je regarde les changements d'habitude de consommation en musique, en cinéma, en télévision, etc. Et je suis inquiet pour le spectacle vivant.»

«Actuellement, le spectateur est perçu uniquement comme un acheteur de billets, poursuit Postigo. Or, selon moi, l'achat d'un billet doit être le point final, l'étape culminante d'une expérience qui devrait commencer bien avant.»

Le metteur en scène croit aussi que le spectateur passif qui veut passer un bon moment et rentrer chez lui est «en voie d'extinction»! Désormais, le public veut une expérience immersive. «Pour cela, nous nous devons, comme créateurs, d'impliquer le public en amont du processus de création. Et pas seulement en créant une page Facebook...»

Le comédien estime que son projet est réalisable à moyen terme. «Ce n'est pas un rêve. Je vais maintenant essayer de matérialiser les idées de ce mémoire. De le mettre en place dans une prochaine production. Avec des artistes et des producteurs qui désirent aussi changer les choses.»