Bon an, mal an, La Licorne est devenu le lieu par excellence où se jouent les comédies noires. Les amateurs de ce genre théâtral seront ainsi bien servis...

Des morceaux de tôle, des portières, des pare-chocs et des pneus pendent du plafond, tandis que des débris de toutes sortes jonchent l'étroit couloir qui sert d'espace de jeu aux acteurs. Une scénographie qui traduit parfaitement le sentiment d'angoisse et d'étouffement de Daniel, survivant d'un terrible accident d'autobus.

Voilà le point de départ du récit de l'Irlandaise Ursula Rani Sarma. Une collision qui plonge le personnage de Daniel, en choc post-traumatique, dans une profonde dépression. Par conséquent, l'artiste peintre, qui prépare une exposition, peine à trouver l'inspiration et se perd dans le dédale de ses pensées.

Maxime Denommée, dans ce rôle, a choisi le profil de celui qui est absent, hagard. À juste titre. Malheureusement, on sent par moments que le comédien « joue » à être dans sa bulle. Ses inter-

actions en souffrent, surtout durant la première partie. C'est un difficile équilibre à trouver.

Chocs relationnels

En écho à cet accident, l'auteure a imaginé des collisions relationnelles entre les personnages de Débris. C'est là son coup de génie.

D'abord entre Daniel et LJ, l'unique autre survivante de l'accident, qui a perdu l'usage de ses jambes. Une ex-danseuse nue persuadée que de ce drame naîtra une relation amoureuse. Évelyne Rompré, dans le rôle de cette femme simple et résiliente, est carrément bouleversante. Elle est le sel de Débris.

Autre collision, encore plus violente cette fois : celle entre Daniel et Karl (Mathieu Quesnel), le chum de sa soeur Stéphanie (Dominique Laniel).

Mathieu Quesnel, dans ce rôle de douchebag, est d'une méchanceté et d'une cruauté sans nom. Il est à la fois le ressort comique et le ressort dramatique de Débris. Ses observations sur l'inutilité de l'art - plus répandues qu'on pourrait le croire - nous rappellent l'épique entrevue de Sun News avec Margie Gillis...

Ce sont toutes ces collisions qui forment la matière de Débris. Entre Daniel et son psychiatre Gerry (excellent Roger La Rue), entre Daniel et sa soeur Stéphanie, entre Stéphanie et son chum Karl, et même entre Karl et LJ, qui donnent lieu aux échanges les plus crus et les plus violents de Débris.

Baptême scénique réussi

Le réalisateur Claude Desrosiers (Aveux, Les hauts et les bas de Sophie Paquin), qui signe ici sa première mise en scène pour le théâtre, s'en tire plutôt bien, même si les transitions faites de noirs et de bruits d'accident sont un peu répétitives. Il suit le fil dramatique de l'auteure et sa constellation de collisions.

Il faut dire que la distribution étoile ne nuit pas. Desrosiers a bien dirigé ses acteurs individuellement. Reste à peaufiner les interactions entre les différents personnages, ce qui devrait se faire naturellement au fil des représentations.

L'idée de projeter sur des écrans les confidences de Daniel et plus tard de son psychiatre, qui se filment tous deux lorsqu'ils broient du noir, est excellente. Malheureusement, leur emplacement (trop en hauteur) n'est pas optimal. Les photographies qui y sont projetées plus tard sont aussi à peine visibles...

Malgré ces imperfections, Débris demeure une pièce percutante capable de charrier malaises et émotions. Exactement ce qu'on attend du théâtre.

* * * 1/2

À La Licorne jusqu'au 28 mars.