À quoi ressemblent les marquis et les marquises d'aujourd'hui? À quel jeu s'adonne la noblesse de salon et de la cour de notre époque?

C'est entre autres à ces questions que le metteur en scène Michel Monty tente de répondre en transportant Le misanthrope ici et maintenant, dans un condo luxueux du Vieux-Montréal, avec ascenseur qui donne dans l'appartement, et toute la technologique de l'ère 2.0.

Présenté au Rideau Vert tout le mois de février, ce Misanthrope est très amusant et extrêmement divertissant, mais reste un peu trop en surface. Même si, à la fin de cette parade d'artifices, de toc et de vanité, le metteur en scène nous met face à l'implacable solitude de la condition humaine. Car cette comédie à la fois drôle et amère, légère et grave, est parfois qualifiée de «tragédie qui fait rire».

Bien avant Monty, plusieurs grands metteurs en scène ont aussi monté le chef-d'oeuvre de Molière (après Tartuffe) dans un décor moderne. Créée il y a 350 ans, l'oeuvre est bien entendu intemporelle. Beaucoup plus riche et profonde que l'affrontement entre la coquette Célimène et l'austère Alceste. Molière a fait son autoportrait dans les traits de ce personnage révolté par l'hypocrisie de ses contemporains. Alceste est à la fois isolé de la société des hommes, éprouvé par la trahison des clercs, trompé par ses amis et ses amours. Mais aussi têtu, ridicule et orgueilleux.

La production du Rideau Vert penche donc plus vers le rire que la noirceur. Les protagonistes font penser au fameux couple des Bobos. Philinte porte veste et écharpe à la Marc Labrèche. Clitandre, Oronte et Acaste sont des bourgeois oisifs à la puissance 1000! Quant à Célimène, elle change plus souvent de robe et de chaussures que Samantha dans Sex and the City! Notons que Sylvain Genois a accompli un excellent boulot avec les costumes. Tout comme Olivier Landreville et son très beau décor.

Distribution bien dirigée

En Alceste, François Papineau livre une performance solide. Très physique, son honnête homme est charnel, si dépendant de son amour pour cette jeune veuve courtisée par tout ce qui bouge au palais qu'il en devient pitoyable. L'Alceste de Papineau est un dépendant affectif. Et la dépendance a ses raisons que la raison ne connaît pas. Dans la peau de Célimène, Bénédicte Décary est l'idéal fait femme! Belle, sensuelle, perverse, sa Célimène est aussi très perspicace. Comme en témoigne la scène où Décary joue tout en nuances la coquette qui remet à sa place l'hypocrite Arsinoé.

Toute la distribution est bien dirigée. On retrouve avec bonheur le magistral David Savard en Philinte, l'ami d'Alceste. Cet acteur à la voix suave et à la diction parfaite (les alexandrins sortent de sa bouche comme l'air qu'il respire) arrive toujours à capter l'intelligence du texte, à livrer la clarté des enjeux et à saisir chaque émotion dans une réplique ou une situation.

On a droit à quelques savoureux numéros comiques avec les prestations brillantes de Luc Bourgeois (irrésistible Acaste), Isabelle Vincent (impayable Arsinoé) et Stéphane Jacques, génial dans le rôle du pédant Oronte qui s'entête à réciter son sonnet à Alceste! Ne boudez votre plaisir, Molière est à nos portes.

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Jusqu'au 28 février au Théâtre du Rideau Vert