La pièce chorale de Jean-Marc Dalpé a eu un énorme succès lors de sa création à La Licorne, en 2006. Huit ans plus tard, Martine Beaulne signe une nouvelle mise en scène de ce drame familial du talentueux dialoguiste natif d'Ottawa.

Depuis quelques années, Jean-Marc Dalpé a été accaparé par des projets de traduction qui ne se refusent tout simplement pas.

Hamlet de Shakespeare, mais aussi Molly Bloom de James Joyce, L'Opéra de Quat'sous de Brecht, montée par Brigitte Haentjens, et une autre pièce de Shakespeare, Richard III, qui sera présentée au TNM et au CNA au mois de mars 2015, elle aussi mise en scène par Brigitte Haentjens.

«C'est nourrissant de côtoyer de grandes oeuvres comme celles-là, nous dit l'auteur de Trick or Treat, Eddy ou encore Le chien. Ce sont des pièces avec une structure et une dramaturgie exceptionnelles. Moi, c'est clair que ça m'encourage et ça m'éclaire dans mon propre travail.»

Son propre travail comprend une dizaine de pièces, des recueils de poésie et un roman, Un vent se lève qui s'éparpille, prix du Gouverneur général en 1999. Dalpé, faut-il rappeler, a cofondé le Théâtre de la Vieille 17 à Ottawa et fait les beaux jours du Théâtre du Nouvel-Ontario que dirigeait Brigitte Haentjens dans les années 80.

La première version d'Août, un repas à la campagne a été remise à Jean-Denis Leduc, du Théâtre de la Manufacture à l'été 2001. Mais le dramaturge natif d'Ottawa a mis son projet de côté pour se concentrer sur l'écriture de la série Temps dur, diffusée à Radio-Canada en 2004.

«C'était une série sur la vie carcérale et c'était un univers très masculin. En même temps, au théâtre, ma pièce Trick or Treat était à l'affiche de La Licorne. Un autre univers de gars... Un soir, Louison Danis m'a dit: "Bon, Jean-Marc, quand est-ce que tu vas en écrire une pour nous autres?"»

La remarque de la comédienne a fait son chemin... Jean-Marc Dalpé se mettant en tête qu'il allait écrire une pièce «pour femmes».

«Dans Trick or Treat, il y avait cinq courtes pièces. Dans Temps dur, il y avait plusieurs trames avec des sauts dans le temps. Pour Août, un repas à la campagne, j'ai fait le choix des trois règles d'Aristote: un temps, un lieu, une action.»

La pièce a d'ailleurs été créée il y a deux ans au Théâtre Centaur de Montréal (en anglais). Une production qui a beaucoup plu à l'auteur.

La fin d'une époque

Nous sommes ainsi en présence de quatre générations de femmes, dans une maison de campagne habitée par un couple qui bat de l'aile: Louise et Gabriel (Isabelle Roy et Frédéric Blanchette), qui reçoit à souper sa tante Monique (Chantal Baril) et son fiancé André Mathieu (Gilles Renaud), qui viennent de la ville. 

On y retrouve aussi les parents de Louise (Pierrette Robitaille et Michel Dumont), sa fille Josée (Kim Despatis) et sa grand-mère Paulette, qui sera interprétée par Nicole Leblanc.

Aussi bien vous le dire tout de suite, il ne se passe pas grand-chose durant les deux tiers de la pièce. En apparence, du moins. Nous baignons dans le plat quotidien que l'on retrouve dans les pièces de Tchekhov. Mais ce n'est qu'un leurre, car Jean-Marc Dalpé, comme le dramaturge russe, met la table pour le drame familial qui se joue. 

«C'est là le défi de la mise en scène, nous dit l'auteur. Il faut qu'il y ait une énergie dans le jeu, dans le non-dit, pour ne pas que l'on sombre dans l'ennui, parce qu'il y a une véritable guerre civile qui se prépare! Pour ça, il y a un rythme marqué dans l'oralité, qu'il est important de retrouver dans le jeu des acteurs.»

La campagne a toujours inspiré l'auteur, même s'il a toujours habité en ville, que ce soit à Ottawa ou à Montréal.

«Pour moi, l'image de la ferme délabrée est le symbole d'un monde qui bascule. Je parle de la réalité canadienne-française, de cette génération-là qui a connu la ferme familiale, avec tout ce que ça représente, l'importance de la terre. Je voulais montrer que toute cette culture-là, ce mode de vie-là, était en train de disparaître.»

Dans ce milieu rural, les femmes sont celles qui mènent le jeu. «C'est un matriarcat, détaille Jean-Marc Dalpé. Au travers de cette crise familiale, il y a une érablière que Louise voudrait vendre en lots parce qu'elle travaille comme agente immobilière, tandis que son père Simon caresse le rêve de la remettre en état.»

Août, un repas à la campagne est, de son propre aveu, sa pièce la moins «trash», «malgré la violence qu'on ne voit pas».

L'axe matriarcal entraîne bien sûr des conflits intergénérationnels, un autre aspect important de la pièce. «La relation mère-fille entre Louise et Jeanne est au coeur de la pièce, nous dit Jean-Marc Dalpé. Mais le personnage de Josée est celui qui rejette l'héritage familial. Personne ne l'écoute. À la fin, elle dit "C'est quand même moi l'avenir"! Cette réplique-là est importante.»

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Au Théâtre Jean-Duceppe, du 29 octobre au 6 décembre.