«L'acteur est un athlète du coeur», écrivait avec justesse Antonin Artaud, qui faisait référence à la «musculature affective» et encore au «souffle» des artistes de la scène. Une musculature qui s'acquiert bien sûr grâce à une bonne préparation de l'interprète.

Benoît McGinnis avoue que sa préparation dépend des rôles qu'il interprète. «Ce ne sont pas tous les rôles qui exigent la même énergie, dit-il. Il y a aussi des rôles qui nécessitent une préparation physique particulière, confie-t-il. Pour mon personnage d'Yves [dans Being at Home with Claude, à l'affiche du TNM présentement], je voulais surtout perdre du poids...»

Pour ce projet, sa préparation a avant tout consisté à se renseigner sur la prostitution masculine dans les années 60 - puisque la pièce de René-Daniel Dubois se passe en 1967.

«Je fais des recherches depuis le mois d'avril; j'ai vu le documentaire de Rodrigue Jean [Hommes à louer], je me suis intéressé à la tenue vestimentaire des prostitués dans ces années-là et j'ai parlé à des gens proches de ces milieux-là, notamment à un journaliste du magazine Fugues très bien renseigné, qui a répondu à plusieurs de mes questions.»

Cette étape est cruciale dans la préparation de l'acteur, estime Benoît McGinnis. «C'est une étape où l'on recueille plein d'informations avant de plonger dans le texte. Après, je décide de ce que je retiens ou non en fonction de ma compréhension du personnage. Mais ma recherche précède ma lecture du texte, sans quoi je l'axe trop en fonction de ce que j'ai lu...»

Possédé par son personnage

La mémorisation du texte est bien sûr capitale. Un travail que l'acteur a fait en trois mois dans le cas de Being at Home with Claude. Le travail d'interprétation peut ensuite commencer.

«À partir du moment où j'ai intégré le texte dans ma tête et dans mon corps, il vit avec moi partout où je vais. Ce qui peut donner l'impression aux gens qui me croisent dans la rue que je suis possédé...

«Je ne vais pas jusqu'à me dire que je suis mon personnage, mais je pense souvent à ce qu'il dit, et quand ça m'arrive, je sens que mon corps et ma démarche changent.»

Physiquement, le comédien avoue s'entraîner plus par nécessité que par plaisir. «Ce n'est pas quelque chose qui me passionne, mais je le fais par phases, pour me maintenir en forme. Par exemple, à la fin du printemps, je venais de terminer 30 vies et je savais que j'allais plonger dans la préparation de Being at Home with Claude, donc je me suis mis à m'entraîner et à courir. Mais dès que je commence à jouer, j'arrête tout.»

Benoît McGinnis a-t-il des rituels dans sa préparation, juste avant de monter sur scène par exemple? «Depuis que je suis sorti de l'École, j'allume une sorte de lampion pendant que je suis dans ma loge. Au moment de monter sur scène, je l'éteins. Comme si je prenais cette énergie avec moi. Les soirs où je ne suis pas en forme, je parle à mes morts. Ce n'est pas une prière à genoux, mais un recueillement où je pense à des gens qui m'aimaient et qui sont disparus.»

La question qui tue: est-ce qu'il prend ses messages pendant une représentation? «Si je n'ai pas un très grand rôle, ça m'arrive de prendre mes messages ou d'envoyer des textos... même si ce n'est pas toujours une bonne idée, parce que des fois, tu reçois un message qui te préoccupe vraiment et tu es pris avec pendant tout le show! Dans Being at Home with Claude, je me couche sur le dos si je ne suis pas sur scène, pour rester proche de mon personnage qui subit un interrogatoire.»