En lisant la biographie de Georges Feydeau, le comédien Gabriel Sabourin a eu envie d'écrire une pièce où le «roi du vaudeville» serait plongé dans le propre théâtre de sa vie. D'où cette comédie dramatique écrite à la manière de Feydeau, qui s'intéresse aux dernières années de ce jouisseur impénitent.

Ses comédies de quiproquos et ses farces conjugales ont survécu à l'épreuve du temps. Le système Ribadier, L'Hôtel du libre échange, Le dindon, La dame de chez Maxim's, Georges Feydeau a mis en scène tous les drames de moeurs de son époque, incluant les siens!

Ce que l'auteur et comédien Gabriel Sabourin a découvert, c'est que Feydeau puisait son inspiration de sa vie nocturne, notamment lors de ses beuveries chez Maxim's.

«Quand j'ai lu qu'il se levait tous les jours en fin d'après-midi, après avoir écrit toute la nuit ce qu'il avait observé dans les cafés, j'ai trouvé ça formidable, confie-t-il. Je me suis dit: «Wow! C'est vraiment un personnage de théâtre.» Il a vécu à contre-courant de la société tout en la décrivant dans ses moindres détails.»

Comme nombre de ses personnages de fiction, Feydeau a été cocu autant qu'il a lui-même allègrement trompé sa femme Marie-Anne Carolus-Duran.

Il a d'ailleurs fini par quitter son domicile pour habiter au Grand Hôtel Terminus où il aurait attrapé la syphilis d'un employé de l'hôtel. Car, paraît-il, à la fin de sa vie, cet «homme à femmes» appréciait aussi la compagnie des hommes. Malheureusement, sa maladie sera à l'origine de troubles psychiques qui le mèneront à l'internement.

Bizarrement, Feydeau ne savait pas qu'il souffrait de la syphilis, a appris Gabriel Sabourin. Son entourage le lui aurait caché jusqu'à la toute fin de sa vie, nous dit-il.

Dans Le prince des jouisseurs, l'action se passe donc dans la chambre d'hôtel de Feydeau, en panne d'inspiration, de plus en plus en proie à des hallucinations. Cette chambre deviendra le lieu des allées et venues d'une foule de personnages, dont son infirmière, son copiste, son directeur de théâtre, son ex-femme et son fils Jacques.

Relation père-fils

Gabriel Sabourin s'attarde en effet sur la relation père-fils. Ce Jacques a vraiment été banquier (comme dans sa pièce) et s'est vraiment mis à écrire du théâtre. Mais il a bien sûr souffert de la popularité immense et du succès de son père. Une «corde sensible», avoue Gabriel, qui a marché dans les pas de son père comédien, Marcel Sabourin.

Même si Gabriel Sabourin n'a jamais joué dans une pièce de Feydeau, il explique avoir été séduit par «la mathématique de ses dialogues», où «la mayonnaise prend à tout coup».

«J'ai toujours été fasciné par le plaisir qu'ont les acteurs à jouer Feydeau, dit-il. J'avais entendu dire qu'il écrivait avec une facilité déconcertante pour les acteurs et que certaines pièces, assez complexes, avaient presque été improvisées. En même temps, il enviait Molière et rêvait d'être un auteur dramatique...»

Ce paradoxe du génie comique qui rêve d'écrire un drame a aussi inspiré l'auteur du Prince des jouisseurs.

Les habitués de Feydeau

L'auteur et comédien a fait appel à des habitués du vaudeville, familiers de l'oeuvre de Feydeau. À commencer par le metteur en scène Normand Chouinard, mais aussi le comédien Alain Zouvi, qui incarnera le personnage de Feydeau.

Gabriel Sabourin interprétera le rôle du copiste Sicard, auteur dramatique lui-même et jaloux de Feydeau.

Au-delà du cliché des portes qui claquent et des maîtresses qui se cachent sous le lit, Gabriel Sabourin estime que le théâtre de Feydeau constitue une suave critique de la société.

«Par la comédie légère, il a réussi à amener un regard presque philosophique sur la nature humaine, croit-il. Il a réussi à toucher à quelque chose d'impalpable qui l'a placé au rang des grands dramaturges de son temps. Le théâtre de l'absurde s'est d'ailleurs beaucoup inspiré de son théâtre et la tradition du vaudeville s'est perpétuée.»

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Au Rideau Vert du 16 septembre au 11 octobre.

L'histoire derrière Cyrano

L'auteur et comédien Gabriel Sabourin a écrit une autre pièce biographique, qui s'intéresse cette fois à l'auteur de Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand. «Le pif luisant», qui était le surnom de Rostand lorsqu'il était au lycée, s'intéresse à l'histoire ayant mené à l'écriture de Cyrano. La pièce, écrite depuis environ un an, est présentement en relecture. Gabriel Sabourin espère qu'elle sera programmée lors de la prochaine saison. «Rostand avait un bon nez et on riait un petit peu de lui, raconte-t-il. D'où cette frustration et ce pour quoi il a mis dans Cyrano toute sa verve et sa vengeance.» Gabriel Sabourin a appris que Rostand a véritablement été approché dans sa maison de campagne par un jardinier qui voulait écrire un billet doux à son amoureuse. La jeune femme en question aurait été voir Rostand, pour lui dire qu'elle avait reçu ledit billet et qu'elle était amoureuse du jardinier, mais qu'elle ne savait pas trop comment l'aborder. «C'est cette anecdote qui a donné l'idée à Rostand d'écrire Cyrano de Bergerac», raconte Gabriel Sabourin.