Les deux spectacles d'ouverture vendredi soir du  festival d'Avignon, dans le sud de la France (128 000 spectateurs l'an dernier) ont été annulés en raison du mouvement des intermittents, mais la programmation de samedi devrait être respectée, selon la direction du prestigieux festival de théâtre.

L'annulation de la pièce Le Prince de Hombourg et de Coup fatal, un ballet d'Alain Platel avec des musiciens traditionnels de Kinshasa, fait suite à un vote des équipes, a précisé le directeur du festival, Olivier Py.

Lors d'une assemblée générale jeudi soir, la majorité des salariés du festival avaient voté pour la grève ce vendredi, jour où la CGT Spectacle avait lancé un appel à un arrêt de travail «massif». Le vote des équipes travaillant sur les spectacles d'ouverture a confirmé vendredi cette décision.

Les intermittents (artistes, techniciens, régisseurs exerçant leur activité en alternant périodes d'emploi et de chômage) dénoncent leur nouvelle convention de chômage qui durcit les conditions d'indemnisation des périodes d'inactivité, dans un secteur où l'emploi précaire est la règle.

Olivier Py a précisé que le coût de ces annulations était estimé à 29 000 euros en billetterie. Les possesseurs de billets pourront soit se faire rembourser, soit choisir un autre spectacle du festival.

Paul Rondin, numéro deux du festival, avait chiffré il y a quelques jours le coût total pour le festival de l'annulation du Prince de Hombourg à 45 000 euros. Ce spectacle ne pourra pas être reprogrammé faute de créneau disponible.

Le spectre de l'annulation totale s'est toutefois éloigné, après le vote mardi du personnel à 80 % contre une grève frappant l'ensemble des représentations.

Les spectacles programmés samedi restent à l'affiche, a souligné Olivier Py, alors que la CGT n'a déposé son prochain mot d'ordre de grève que pour le 12 juillet.

«Je respecte absolument le droit de grève, le combat des intermittents doit rester dans un cadre légal, même si pour le directeur du festival d'Avignon c'est difficile de voir compromettre le spectacle d'ouverture ce soir», avait-il indiqué avant l'annonce de l'annulation.

Maintenir la pression

«Ils veulent marquer leur présence et leur engagement militant, mais en même temps ils veulent jouer», a estimé la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, disant comprendre «l'inquiétude des intermittents».

Tout en rejetant l'idée de blocages ou d'annulation des festivals, la CGT Spectacle a maintenu son appel à une «grève massive» dans toute la France vendredi, pour marquer le début d'Avignon, avant une autre journée de mobilisation nationale le 12 juillet.

La mobilisation des intermittents du spectacle vise à maintenir la pression alors qu'à Paris, une concertation mise en place par le gouvernement pour une «refonte» du statut a débuté.

Les intermittents, eux, continuent de rejeter la nouvelle convention d'assurance chômage qui, disent-ils, porte atteinte au statut particulier dont ils bénéficient en raison de la précarité de leur emploi.

Le trio de personnalités chargé par le gouvernement de l'organiser a annoncé son calendrier: les réunions avec l'ensemble des parties doivent se tenir tous les jeudis jusqu'au 24 juillet avant une pause en août et leur reprise en septembre. La mission doit remettre ses propositions avant fin décembre.

«Nous avons déployé des trésors de diplomatie pour que tout le monde se mette autour de la table», a souligné Jean-Patrick Gille, l'un des membres de la mission.

L'enjeu est de convaincre les plus sceptiques des intermittents que la concertation n'est pas seulement un leurre visant à passer l'étape cruciale des festivals d'été.

En 2003, un précédent conflit des intermittents du spectacle, déjà opposés à la réforme de leur régime d'indemnisation du chômage, avait bouleversé la saison culturelle française, avec comme conséquence la plus spectaculaire, l'annulation du Festival d'Avignon, qui avait pourtant résisté à la contestation de 1968.

Le régime des intermittents est un rouage essentiel de l'exception culturelle française, mais il est régulièrement critiqué pour son coût et ses dérives, notamment du fait du recours abusif à l'intermittence par les grandes sociétés de l'audiovisuel.