Ceux qui ne sont pas familiers avec l'univers théâtral de bric et de broc d'Olivier Ducas et Francis Monty ont ces jours-ci la chance unique de voir ces maîtres du théâtre d'objets à l'oeuvre.

Les deux créateurs surdoués ont eu la bonne idée de nous présenter - pour les 15 ans de leur Théâtre La pire espèce - un programme double avec leurs plus récentes créations. Toujours avec cet humour délicieusement absurde qui a fait leur marque.

Un conseil seulement: laissez vos tout-petits à la maison. Ce n'est pas parce qu'on fait parler des objets que c'est du théâtre pour enfants...

C'est Olivier Ducas qui part le bal avec Villes, installation vivante et visuelle où l'acteur nous fait le portrait d'une vingtaine de villes imaginaires. Des villes qui prennent forme sous nos yeux grâce à la manipulation d'objets captés par une caméra, puis projetés sur un grand écran.

Villes de sables, villes fantômes, villes de poche, villes monstrueuses ou sublimes, Olivier Ducas a créé des catégories pour nous parler de ces lieux qui portent tous des prénoms féminins. Une façon d'explorer nos rapports aux villes et aux humains qui les peuplent.

Oxana, ville de verre, qui se croit éternelle, mais qui est tout aussi fragile que les autres; Régine, la ville côtière qui n'a pas de passerelle en bois; Béatrice, la mal entretenue qui devient sublime vue de haut; Conception, la ville envahie par la culture du maïs; Isabeau, qui n'a aucun signe distinctif...

Ici, une ville prend forme avec deux bouts de bois rouges encadrés par des miroirs; là, un circuit imprimé se transforme en ville industrielle; trois galets représentent la ville côtière. L'auteur et metteur en scène recrée même la période coloniale avec des grains de café et des cubes de sucre!

Olivier Ducas, grand collectionneur d'objets devant l'Éternel, nous propose rien de moins qu'un tour du monde en 1h30. Sublime et brillant.

Petit bonhomme

Avec Petit bonhomme en papier carbone, de Francis Monty, on revient au conte plus traditionnel. Conte cruel et non censuré au centre duquel on retrouve le personnage d'Éthienne. Tantôt incarné par une petite figurine, tantôt par un dessin ou par Francis Monty lui-même.

On y suit les grandes étapes de la vie d'Éthienne. De sa naissance à sa petite enfance avec ses 56 frères. Pour les habitués de La pire espèce, il s'agit du frère de Léon (Léon le nul).

Toujours est-il qu'on découvre un garçon «pas tout à fait comme les autres». Dont la mère, qui multiplie les aventures amoureuses, est représentée par une chaussure à talon. Tandis que le père, absent et lâche (qui n'est pas son père biologique), est représenté par une vache.

Le jeune Éthienne cherchera d'ailleurs à comprendre pourquoi sa famille a été maudite par les dieux. Il sollicitera une rencontre avec Zeus pour mettre tout ça au clair et sera guidé dans sa quête existentielle par une lune à l'oeil crevé...

Ajoutez à cette galerie de personnages son ami Stéphane, enfermé dans un casier par les joueurs de football de son école, et vous avez un portrait assez complet de ce récit fantastique et absurde de Francis Monty.

Il y avait sans doute le facteur fatigue après quatre heures de théâtre, mais le récit de Francis Monty finit par nous épuiser avec tous ses rebondissements.

Malgré cela, c'est avec délice qu'on voit l'autre moitié de la Pire espèce manipuler avec virtuosité, au-dessus de sa petite table, bouts de papier, figurines, petites voitures et Thermos pour nous narrer le difficile passage d'un enfant à l'adolescence.

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Aux Écuries jusqu'au 26 avril.