Le hasard a fait que les deux spectacles mis en scène par Claude Poissant sont des quintettes. D'abord avec Cinq visages pour Camille Brunelle, de Guillaume Corbeil, qui a écrit un texte d'une troublante actualité - et impossible à mémoriser - qui met en scène cinq jeunes adultes qui façonnent leur identité sur les réseaux sociaux. J'aime ceci, j'écoute cela, j'ai été là-bas, à la manière des profils Facebook. Une pièce chorale, qui se déploie virtuellement, et qui prend une tournure dramatique.

«On est dans un monde de performance déjà dans la forme. Ça m'intéressait ça, dit Claude Poissant. Un monde où tout le monde se donne la mission d'être le «winner» de quelque chose. Chacun des cinq personnages sont unis comme s'il ne formaient qu'une seule et même personne, tout en se faisant concurrence pour savoir qui peut aller le plus loin dans cette aventure virtuelle.»

Claude Poissant estime que cette pièce ne peut laisser personne indifférent. «C'est une pièce qui te happe, dit-il. Pendant une heure et cinq on est captif de ce texte. Tu peux t'en aller en riant ou en pleurant. Mais tu restes jusqu'à la fin, même si tu veux m'assassiner à la fin. J'aimais cette proposition.»

Les cinq personnages avancent à petits pas tout en se comparant. «On entend tout le discours de ces jeunes dont la vie finit par ressembler à la nôtre, qu'elle soit virtuelle ou non. C'est une vie de couple, de solitaires, des voyages, des amours, notre vie vue en accélérée, ce qu'elle est devenue ou ce en quoi elle pourrait se transformer. Sans jugement.»

Les cinq comédiens qui font partie du quintette: Julie Carrier-Prévost, Laurence Dauphinais, Francis Ducharme, Mickaël Gouin et Ève Pressault.

The Dragonfly of Chicoutimi

Le fameux monologue de Larry Tremblay, écrit en anglais, a été créé en 1995 dans une magistrale interprétation de Jean-Louis Millette. L'acteur y défendait le rôle de Gaston Talbot, un homme qui revisite son passé dans un anglais approximatif. Un procédé qui évoquait la disparition de la langue française.

En 2010, au Festival TransAmériques (FTA), Claude Poissant a recréé la pièce, mais à cinq voix.

Les cinq déclinaisons de Gaston Talbot correspondaient à des profils différents du personnage. Gaston enfant, puis adulte; Gaston qui vient de Chicoutimi, Gaston qui est avant tout américain; Gaston malade, qu'on croit aphasique; enfin sa mère, interprétée par un dernier Gaston.

«Depuis la création de 95, les frontières se sont beaucoup ouvertes, estime le metteur en scène. Le multiculturalisme a transformé le Québec et la métaphore anglo-franco s'est multipliée. C'est ce qui m'a donné l'envie d'en faire une oeuvre chorale, à cinq personnages. Pour en faire une quête identitaire, peu importe d'où l'on vient.»

La pièce qui met en scène Daniel Parent, Étienne Pilon, Dany Boudreault, Patrice Dubois et Mani Soleymanlou a été présentée à Vancouver au mois de janvier dans le cadre du festival PuSh.

«Ça n'a pas été facile au début, raconte Claude Poissant. Il y a une certaine méfiance vis-à-vis des auteurs québécois dans le reste du Canada. Mais ça été un hit!. Ce n'est pas un pamphlet politique, mais c'est quand même l'histoire d'un homme qui perd sa langue.»

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À l'Espace GO: Cinq visages pour Camille Brunelle jusqu'au 5 avril; The Dragonfly of Chicoutimi du 8 au 19 avril.