Que Lorraine Pintal gagne ou perde ses élections dans Verdun, le 7 avril, elle vient d'ouvrir la porte à la question de sa succession à la direction du Théâtre du Nouveau Monde (TNM). Son poste au sein de la plus prestigieuse compagnie de théâtre au Québec est très convoité. Qui peut le combler?

Il y a de la succession dans l'air dans le milieu du théâtre québécois.

Après la démission de Marie-Hélène Falcon au Festival TransAmériques et le départ de Pierre Rousseau du Théâtre Denise-Pelletier, Lorraine Pintal s'est lancée en politique le 7 mars. Pour la première fois en 22 ans, advenant la démission de Lorraine Pintal (en congé sans solde durant la campagne électorale), le conseil d'administration du TNM va se pencher sur la question de son remplacement.

Élue ou pas, la directrice du TNM ouvre la porte au processus de sa succession. D'ici la fin de l'année, le TNM aura probablement choisi une nouvelle personne pour diriger la destinée de notre Maison de Molière. Son cinquième directeur artistique depuis la fondation de la compagnie, en 1951 (en excluant André Pagé, qui a occupé le poste à peine quelques semaines), après les Gascon, Roux et Reichenbach.

Cette nomination est un passage délicat et crucial pour une compagnie comme le TNM. C'est le moment d'assurer son avenir sans renier son passé, de renouveler sa mission sans fragiliser l'institution, d'ouvrir son répertoire à l'ère du temps et de créer un dialogue avec les jeunes créateurs.

Le poste revient à un ou une artiste qui a de l'expérience et de la vision, du bagout et de la fermeté, de la sensibilité et de la détermination, entre autres qualités.

Retour vers le futur

En mars 1992, quand Lorraine Pintal a été nommée directrice générale du TNM, elle avait 40 ans. Elle venait de signer une mise en scène mémorable d'Hosanna de Michel Tremblay au Quat'Sous. Elle promettait «d'injecter du sang neuf et d'amener la jeune génération au TNM». Pintal affirmait également que «le TNM se doit d'être un théâtre à risques».

Aujourd'hui, de quel genre de patron a besoin le TNM? Un homme ou une femme de théâtre qui possède une certaine notoriété publique, une connaissance du fonctionnement d'une compagnie, un leader qui peut insuffler son énergie à une équipe. Mais surtout, un artiste qui a une vision du répertoire, de la création et de la place du théâtre dans la Cité.

Il faut que le prochain directeur se concentre sur l'artistique. Le volet administratif et marketing que Pintal avait rapatrié dans son giron, en occupant la direction générale, pourrait être confié à une autre personne. Pour paraphraser André Brassard, le Waterloo des artistes au Québec, c'est lorsque que le gouvernement a décidé de marier culture et business, dans les années 80, sous le vocable «d'affaires culturelles». On ne demande pas à une artiste de gérer, mais de créer. Parlez-en à Dave St-Pierre...

Une short list

Revenons au prochain directeur ou la prochaine directrice du TNM. Quels sont les meilleurs candidats potentiels?

Les quatre noms qu'on entend le plus souvent, les soirs de premières, sont Yves Desgagnés, René Richard Cyr, Serge Denoncourt et Claude Poissant.

Quatre metteurs en scène remarquables, qui ont tous signé des pièces grandioses et, surtout, qui ont l'ADN du théâtre dans leur sang. Ils ont assurément le profil de l'emploi.

Cyr a codirigé le Théâtre d'Aujourd'hui et avant, le Petit à Petit avec Poissant. Denoncourt a déjà été directeur artistique du Trident à Québec. Il connaît bien le fonctionnement des compagnies de répertoire en Europe, où il a souvent travaillé.

Il y aussi Pierre Bernard, qui passe son temps entre Paris et Montréal, dont les années à la direction artistique du Quat'Sous ont fait date. Puis Marie-Thérèse Fortin, une femme brillante, l'une de nos meilleures actrices, qui a été à la barre du Trident et du Théâtre d'Aujourd'hui. Rêvons un peu, il serait intéressant de voir ce que le metteur en scène Dominic Champagne, avec ses beaux rêves et ses folles utopies, ferait avec le TNM...

Il y a aussi d'autres critères que l'artistique pour remplir ce poste. Et les membres du conseil d'administration regarderont sans doute le profil «politique» du candidat, sa capacité à aller chercher de l'argent, à gonfler des collectes de fonds et à négocier avec les pouvoirs publics.

Peu importe, rêvons encore un peu. Qui voyons-nous à la tête du TNM? Un idéaliste. D'abord et avant tout. Comme l'étaient, en 1951, Jean Gascon et Jean-Louis Roux, les cofondateurs du TNM. Nouveau Monde: deux mots qui à eux seuls résument bien leur grande soif d'idéal.

Après tout, un directeur de théâtre de répertoire veut que le théâtre occupe une grande place dans la Cité. Il doit croire qu'il peut réinventer le monde avec un théâtre de 830 places. Et changer le destin d'un peuple avec, pour seule arme, la parole sur une scène.