Le double espresso est un prérequis pour qui veut se frotter à ce triplé de Racine à l'affiche d'Espace libre.

Le Théâtre Omnibus nous sert ici, en deux heures, un condensé «bien tassé» de ses trois pièces: Andromaque, Bajazet et Bérénice. Dans une mise en scène à trois, signée Réal Bossé, Sylvie Moreau et Jean Asselin.

Omnibus, qui a le mérite de ne rien faire comme les autres, a créé une aire de jeu assez intéressante. Un carré de terre humide autour duquel sont disposés, sur ses quatre faces, les mythiques bancs jaune moutarde du théâtre. C'est dans cette arène que se jouent, coup sur coup, les trois drames amoureux de Racine.

On y retrouve avec plaisir les alexandrins du dramaturge français, mais dans une telle concentration et avec tant de raccourcis (chaque pièce dure environ 40 minutes) qu'on peine à suivre ces intrigues amoureuses déjà complexes. De petits interludes - musicaux ou autres - auraient été de mise pour aider les mots à se déposer.

Il y a bien le fameux «homme de confidence» (Charles Préfontaine), qui nous sert de narrateur et d'interprète dans les trois pièces, mais il aurait gagné à être plus présent et à s'adresser plus directement au public, afin de lui rappeler que c'est à lui que le spectacle est destiné!

Clarté, où es-tu?

Andromaque est la plus étourdissante des trois pièces. On s'en souvient: Oreste aime Hermione, mais celle-ci aime Pyrrhus, qui, lui, aime Andromaque. Une histoire expédiée qui se termine en queue de poisson... Kathleen Fortin, en Hermione, vole toutefois la vedette, comme dans les deux autres pièces, d'ailleurs.

La deuxième pièce, Bajazet, qu'a mise en scène Sylvie Moreau, est peut-être la plus limpide des trois. On prend la peine de déposer des tapis orientaux dans le carré de terre, de bien situer le contexte ottoman et l'intrigue. On y suit un autre triangle amoureux, qui se terminera dans le sang. Roxane aime Bajazet, qui aime Atalide... Décidément.

Le troisième volet de ces Amours fatales, Bérénice, est une variation sur le même thème: Titus hésite à s'abandonner à Bérénice, l'empereur romain privilégiant les affaires de l'État. Mais en négligeant cette dernière, Titus ouvre la porte à Antiochus, qui s'amourache d'elle. Dans le rôle de Titus, Pascal Contamine est ici à son mieux.

Chapeau ici à la conceptrice Judy Jonker, qui parvient à créer, avec ses costumes, trois univers distincts - les corps étant les seuls éléments de cette scénographie dépouillée.

Au-delà du lyrisme de ces tragédies de Racine, ces Amours fatales trouvent-elles quelque résonance aujourd'hui? On n'a qu'à regarder autour de soi pour s'en rendre compte. Rien n'a vraiment changé. Il suffit de saupoudrer ici et là des enfants en garde partagée, et nous voilà plongés dans ces mêmes eaux troubles amoureuses.

Pourquoi alors ne pas avoir tenté de rendre ces drames amoureux plus contemporains?

Au lieu d'exploiter le récit de ces déroutes amoureuses, Omnibus s'enlise dans cette belle terre noire, en nous livrant une lecture austère de Racine, privilégiant la piste mélodramatique, assommante.

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À l'Espace libre jusqu'au 8 mars.