Une coroner (l'auteure et metteure en scène Marilyn Perreault) fait rejouer une scène de crime: une explosion dans un autobus qui a fait 50 victimes en plein coeur de Montréal.

Lignedebus remonte ainsi le cours de vies perdues, annihilées. Six personnages tiennent à nous parler d'eux, de ce qu'ils ont fait avant la tragédie, pour «ne pas être rien».

Un suspense est créé. On veut tous savoir ce qui est vraiment arrivé.

Il s'agit avant tout d'une ligne dramatique offrant à Marilyn Perreault la possibilité de parler d'immigration, d'amour, de jalousie, de diversité culturelle, des médias sociaux, de solitude, de destin, de justice, de racisme...

«À force de porter toute cette noirceur, on finit par y croire», dira l'un des personnages. Et l'on y croit, on s'émeut, on s'amourache et on se fâche avec eux. Parce qu'on sait qu'ils vont y passer.

La force de cette proposition théâtrale tient donc à une sorte de fatalisme, un désespoir latent. Un trajet en bus est forcément restreint dans le temps. Comme la vie, il va se terminer et on le sait.

C'est toujours, en soi, une perte. Celle d'un regard furtif qui pourrait devenir amoureux, un échange philosophique avec un étranger, un débat d'idées, un rêve éveillé plein d'espoir...

Le foisonnement thématique de la pièce est au diapason d'une mise en scène et d'une scénographie inventives: projections vidéo, acrobaties, chorégraphies, scène démontable, apartés au public...

Les personnages sont vraisemblablement tous porteurs de bombes potentielles, en raison de leur passé, de leurs expériences, de leurs peurs. Il suffit qu'un tombe pour que tous y passent.

Le texte est beau, avec ses métaphores, ses traits d'humour ou philosophiques. Le jeu est à la hauteur - Hubert Lemire et Annie Ranger ressortent du lot -, même s'il se fait parfois en réalisant des acrobaties.

Rarement une pièce aura réussi à imbriquer aussi bien le cirque, la danse et le jeu. Quelques répliques se perdent, cependant, en raison du dispositif scénique et d'un plancher de bus un peu grognon.

Ce que Marilyn Perreault décrit là, c'est tout Montréal et le monde d'aujourd'hui. C'est beaucoup. Probablement trop pour un seul bus.

Des questions importantes nous hantent, toutefois, après la représentation. Est-ce à dire que le destin des personnages était tracé d'avance? Doit-on perdre espoir à l'égard du genre humain et de la course qu'il mène vers sa propre perte?

Comme les lignes d'autobus, certaines lignes de vie ne devraient jamais se croiser.

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Aux Écuries jusqu'au 22 février.