La prémisse est invitante: s'intéresser au sort du frère d'Irina, de Macha et d'Olga, qui devient le personnage principal d'une pièce actuelle. Le résultat est déroutant, mais pas inintéressant.

Adaptation (très) libre de Justin Laramée et d'Olivier Aubin, Andreï ou le frère des Trois soeurs conserve l'argument et les grandes lignes du chef-d'oeuvre russe. Et en retire tout le reste. On ne verra jamais les soeurs en question (on les entend seulement en voix off), ni les autres rôles secondaires de la pièce. Andreï (Olivier Aubin) reste seul à «véger» dans sa chambre avec son vieil ami Tchéboutykine (Denis Gravereaux), un médecin alcoolique et désabusé. Sa femme Natacha (Émilie Gilbert) vient périodiquement déranger les deux hommes.

Du classique d'Anton Tchekhov, Aubin et Laramée ont fait ressortir l'absurdité des situations et le désespoir des personnages masculins. Exit, le côté lumineux, mélancolique, l'âme ou l'esprit de l'auteur russe. Tchekhov a bel et bien traversé le XXe siècle, croisant au passage Beckett, Ionesco, Sartre, Ducharme et cie.

La tragédie du vide

Dans cette production du Collectif Bobik créée mercredi dernier à l'Espace Libre, Andreï est plus seul que jamais. L'homme est «looser», terriblement isolé dans sa condition masculine. Sur un divan, il regarde un soap à la télé qui met en vedette ses soeurs, en mangeant du poulet St-Hubert directement dans la boîte. Il récite maladroitement des vers de Baudelaire, de Nelligan et de Verlaine pour séduire sa femme. Il aime les choses inutiles, le farniente et gratter sa guitare dans un siècle de vitesse, de pouvoir et de performance. Il mange trop, boit trop et ne fait pas attention à lui.

Bref, Andreï s'enlise tragiquement dans sa médiocrité jusqu'à en devenir cynique et violent.

Dans sa mise en scène, Justin Laramée utilise habilement tout l'espace scénique et les coulisses. Les trois interprètes sont bien dirigés et livrent une bonne performance; même si on sent davantage la composition que la vérité de leur personnage. Les fameux silences tchékhoviens s'étirent longuement dans ce décor gris et froid, frôlant l'hyperréalisme.

À la fin, la pièce vire carrément au tragique. Une fin imprévisible et ultra violente qui ne fera pas l'unanimité...

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Jusqu'au 9 novembre, à l'Espace Libre.