Allégorie du temps qui passe, de l'amour qui fuit, de la marche de l'Histoire avec ses gagnants et ses perdants, La cerisaie est l'ultime pièce d'Anton Tchekhov. Un chef-d'oeuvre qu'on monte et remonte depuis un siècle.

Après s'être attaqué à Marie Stuart et à Un tramway nommé Désir, Alexandre Marine présente au Rideau Vert sa Cerisaie. La production met en vedette, entre autres, son actrice fétiche, Sylvie Drapeau, dans un rôle qui lui va comme un gant: Lioubov, propriétaire de ce verger splendide.

La cerisaie est une oeuvre de clair-obscur, de nostalgie douce-amère, parfois comique, mais aussi tragique. Après un exil de cinq ans à Paris, Lioubov retourne dans son domaine alors qu'il est en vente, et que la cerisaie de son enfance va disparaître... Elle retrouve donc les siens avec autant de bonheur que de tristesse.

Malgré leurs crises et leurs drames, les gens sont finalement assez simples, estimait Tchekhov: «On mange, on boit, on fait la cour, on dit des sottises.» Avec sa mise en scène fort belle et très vivante, mais aussi distrayante, Alexandre Marine souligne ce côté léger des personnages, aussi nombreux (une douzaine) que disparates. Chacun y va de son numéro, jambes en l'air et grimaces à l'appui, comme s'ils étaient en constante représentation.

Drapeau frise la perfection!

La vie «dépravée» de Lioubov est évoquée par des apparitions de l'amant parisien qui l'a ruinée (Danny Gilmore). Sylvie Drapeau incarne la beauté évanescente de Lioubov dans une prestation qui frise la perfection. Elle se brise et se recompose en un quart de tour. Marc Béland (Lopakhine), Larissa Corriveau (Varia), Jean Marchand (Lionia) et Igor Ovadis dans la peau du vieux et fidèle domestique, Firs, jouent remarquablement. En fait, tous les interprètes de cette distribution sont solides.

Là où le bât blesse, c'est dans l'abondance, la surcharge de symboles, comme autant de cerises sur un gâteau déjà garni. Nul besoin de tant de distractions pour monter La cerisaie. Pourquoi toujours jouer avec ce gros ballon rouge? Pourquoi faire porter une robe si voyante à Lioubov, à la fin, qui lui donne l'air d'une danseuse de flamenco? Pourquoi cette tour Eiffel omniprésente pour rappeler l'exil parisien?

Toutefois, le metteur en scène a aussi de très bonnes idées et donne à voir de belles images. Le tableau final, celui durant lequel on abat les arbres, est simplement mémorable!

À trop vouloir mettre sa signature sur une oeuvre, Marine finit par nous distraire de l'essentiel.

> Au Théâtre du Rideau Vert, jusqu'au 19 octobre