On aura beau dire ce qu'on voudra sur l'instabilité amoureuse des jeunes d'aujourd'hui, on ne peut pas dire qu'ils ont renoncé au grand amour, malgré tout le cynisme dont ils sont capables. Et malgré tous les échecs qu'ils subissent.

C'est à tout le moins ce qui se dégage du texte d'Alexa-Jeanne Dubé, qui dirige dans Moi et une love letter cinq jeunes femmes, comme elle diplômées du cégep de Saint-Hyacinthe il y a deux ans. Une pièce expressionniste proche de la performance.

Visuellement, cette pièce qui porte sur l'échec amoureux et la solitude est très intéressante. L'auteure et metteure en scène réussit à créer des tableaux parfois assez crus, qui charrient des émotions fortes. Avec des projections qui cernent bien les personnages.

La scène d'ouverture donne le ton. Les cinq jeunes femmes, complètement nues, sont assises sur des chaises. Elles nous tournent le dos. Elles enfilent chaussures, culotte, nuisette et perruque blonde avant de nous faire face. Elles tentent de communiquer entre elles grâce à des walkies-talkies. En vain.

Devant nous, et cette peine d'amour qu'elles vivent apparemment, elles sont semblables à mille autres jeunes femmes. Interchangeables. Elles parlent d'ailleurs souvent d'une seule voix. Chacune tentant de se différencier de l'autre. Sans réel succès.

Chacun de ces tableaux est présenté comme une réponse à leur peine d'amour. Une cascade de mots, parfois abstraits, qui montrent surtout leur grande vulnérabilité. Jusqu'au monologue d'une des interprètes, qui fait ressortir la constance de l'échec amoureux et l'absence de réponses...

«On répète les mêmes histoires d'amour pour faire le constat de notre vide», dit-elle en substance. Lucide (ou pessimiste) pour une jeune femme dans la vingtaine! Dans un autre tableau, ce cri du coeur: «Est-ce qu'on peut s'aimer plus que le temps d'un "Like" ?»

Dans une autre scène de nudité, les filles s'écroulent et se bâillonnent avec du ruban, une autre image forte de Moi et une love letter qui montre toute l'étendue de leur désarroi. Plus tard, lorsqu'une des filles demande: «Est-ce que tu m'aimes?», les ondes se brouillent. Elle n'aura pas de réponse.

Si l'interprétation des filles est inégale d'un tableau à l'autre, la démarche artistique d'Alexa-Jeanne Dubé, qui mêle théâtre et performance, s'impose et se défend, même si toutes ses intentions ne sont pas toujours claires. Le texte réaliste se décline en images riches, qui créent une forme narrative originale.

La scène finale nous montre une des jeunes filles debout sur une chaise, les bras tendus vers le public. Aimer et être aimée, c'est tout ce qu'elle souhaite. On ne peut pas s'opposer à ça.

> Jusqu'au 21 septembre au Théâtre La Chapelle.