Il aura fallu l'audace d'un jeune metteur en scène de 26 ans, Julien Gosselin, pour voir au théâtre en France une oeuvre de Michel Houellebecq, Les particules élémentaires, roman choc de 1998 montré du 8 au 13 juillet au Festival d'Avignon.

Houellebecq a été adapté par des metteurs en scène allemands et néerlandais. En France, rien.

«Ça fait peur. Il y a le fait qu'adapter un roman au théâtre se fait très peu en France. Et aussi le côté sulfureux de Houellebecq», suggère le jeune metteur en scène de cette pièce coproduite par le Théâtre du Nord à Lille.

Pour sa part, Julien Gosselin tient le romancier pour «un des plus grands écrivains vivants au monde» et «en tout cas un des seuls auteurs français qui s'attache à décrypter la société occidentale dans ses contradictions les plus profondes».

«Fou de littérature», Julien Gosselin regrette la frilosité du théâtre français vis-à-vis des textes contemporains. «Il faut que le théâtre d'aujourd'hui se bâtisse sur des textes et des formes d'aujourd'hui».

Les grands thèmes de Houellebecq - la misère sexuelle, le tourisme, la faillite de 68, la naissance d'une «post-humanité» - sont exposés crûment dans le roman, posant la question de leur transposition au théâtre: faut-il par exemple montrer le sexe?

«On parle de vulve, on parle de bite, et ça c'est plutôt réjouissant, il n'y a pas de vulgarité là dedans il y a juste le choc d'entendre comment tout un chacun pourrait parler de son propre corps ou du corps de son conjoint par exemple, en des termes pas forcément très élogieux», raconte Julien Gosselin.

Houellebecq romantique

«On est au théâtre: on cherche des moyens de ne pas rendre la chose frontale, c'est suffisamment dit dans le texte pour qu'on n'ait pas besoin de montrer», explique la jeune actrice Noémie Gantier qui interprète avec beaucoup de finesse Christiane, dont les ébats sexuels avec Bruno sont longuement décrits dans le livre.

«Ce n'est pas notre esthétique, souligne Gosselin. Dans certaines oeuvres, la nudité ou la crudité sont absolument nécessaires mais il faut une esthétique qui permette de mettre en scène ces choses-là, moi je pense que je serais à coté de la plaque, ça ferait hardcore au milieu de quelque chose qui est plutôt doux».

«Aurélien Bellanger a écrit un essai qui s'appelle «Houellebecq écrivain romantique», il y a quelque chose comme ça de manière évidente chez Houellebecq», avance-t-il.

Et de remarquer que l'auteur juxtapose généralement une scène de sexe avec «un grand moment de bonheur pour un personnage, un grand moment de perdition, de tristesse, d'amour ou de désamour, et tout ça nous permet de teinter les moments sexuels. Techniquement je dirais qu'on montre pas grand chose, vraiment.»

Si l'univers des Particules est globalement triste, voire désespéré, le livre est aussi traversé de grands moments d'humour, comme le séjour de vacances de Bruno au Lieu du changement créé en 1975 par d'anciens soixante-huitards.

La petite troupe de dix comédiens - et musiciens, car la musique est très présente- s'en donne à coeur joie pour recréer les personnages du Lieu du changement: la catho naïve, la prof de yoga, le prof de massages, la hippie bourrée ...

«On aimerait que le spectacle reflète les deux faces de Houellebecq, l'humour et la tristesse», résume le metteur en scène.