Il s'agit de la deuxième reprise de cette pièce-choc d'Étienne Lepage, créée au FTA en 2011. Une pièce qui explore notre sentiment d'insécurité dans nos rapports aux autres, interprétée par Paul Ahmarani et Denis Gravereaux. Dans une mise en scène brillante de Sylvain Bélanger.

Un jeune homme frappe à une porte et demande gentiment refuge à son propriétaire, le temps que passe une averse. Parce qu'il n'a pas de parapluie. Tout part de là. Mais que cherche exactement cet intrus? Quel est son but? Entre les deux hommes, la tension monte. Petit à petit, l'auteur de cette pièce «pour un spectateur» nous projette dans un thriller psychologique.

Le dispositif scénique imaginé par le metteur en scène Sylvain Bélanger et le scénographe Romain Fabre est la clé de L'enclos de l'éléphant, qui vient d'être adaptée en Russie.

Des cloisons séparent les sièges des spectateurs disposés autour de la scène. Dans chacun de ces isoloirs, il y a un micro, qui amplifie la voix de l'intrus, et une caméra braquée sur un spectateur de la salle, qui apparaît dans un petit écran. Une façon d'être partie prenante de ce dialogue entre l'intrus et son vis-à-vis, Alexis, que le public incarne malgré lui.

La Presse a rencontré le comédien Paul Ahmarani, qui interprète le personnage de l'intrus, Paul.

Q : Quelle est ta lecture de ce texte?

R : C'est une pièce qui a un côté insaisissable. Il y a plusieurs niveaux de lecture, mais moi, j'y vois une métaphore de l'économie de marché, qui montre à quel point nos relations humaines peuvent être réduites à deux individus et un échange commercial. Il y a beaucoup de ça dans la pièce. Ce n'est pas pour rien qu'elle commence par une demande d'entraide. Parce que dans ce cas, il n'y a rien à échanger. Donc pas de relation possible.

Q : Qu'est-ce qui est le plus difficile dans l'interprétation de ce personnage?

R : Le plus difficile comme comédien est de suivre cette trame extrêmement fine et précise où je passe d'une intention à l'autre, où je vole les mots de la bouche de mon partenaire de jeu, où je suis en contact perpétuel avec lui, de façon si intime que le moindre de ses sourcillements influence ma façon de jouer. Si Denis est plus sceptique ou réticent, c'est à moi de l'amadouer, de le manipuler.

Q : Ton personnage doit créer un sentiment d'insécurité chez Alexis. Tu as un pouvoir de persuasion sur lui.

R : Oui, il est persuasif, mais par l'inoffensif. Ce n'est pas un hasard si Alexis est médecin. Il me regarde comme un cas. On ne veut pas qu'il soit une victime de ce flot de paroles qui se déverse sur lui. Il choisit de ne pas répondre. La situation est insécurisante. Pour le personnage d'Alexis, pour le public, mais pour moi aussi. Tout le monde se demande ce que je fais là. Ce que je veux. D'autant plus que je deviens de plus en plus menaçant.

Q : Comment le dispositif scénique influence-t-il ton jeu?

R : La proximité et le microphonage font en sorte que je suis encore plus dans une bulle avec Denis. Je n'ai rien besoin de projeter. Je suis très près du spectateur, mais paradoxalement, je peux l'oublier encore plus et me concentrer sur ma relation avec Denis. Sur toutes ces micro-intentions entre nous. C'est une pièce que j'aurais voulu voir comme spectateur. Je serais curieux aussi de voir comment un autre metteur en scène l'interprèterait.

Q : Parle-moi de la réaction des spectateurs.

R : Les spectateurs réagissent beaucoup. Même si mon focus est sur Denis, on les voit. Ils sentent le danger, on les voit grouiller, sursauter. Le fait qu'ils soient isolés fait en sorte qu'ils vivent seuls ce que le personnage d'Alexis est en train de vivre. Ils sont terrassés par moments. Un soir, il y a une femme qui s'est cachée avec son foulard et, de temps en temps, elle regardait... Dans une vidéo, j'ai aussi remarqué qu'un couple se tenait la main devant la cloison. C'est très intéressant à voir.

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Du 14 au 25 mai à Espace Libre.