Éric Jean a un faible pour les formes hybrides qui mêlent le théâtre au mouvement et à la danse. Des pièces où le sens des choses est souvent tapi dans les silences. Mais cette fois, le directeur du Quat'Sous fait un retour au texte théâtral en mettant en scène une comédie noire signée Olivier Kemeid. Avec une distribution impressionnante, incluant Sylvie Drapeau et Anne Casabonne.

Comme ça lui arrive souvent, Éric Jean a choisi ses comédiens avant même que le texte d'Olivier Kemeid ne soit écrit. Des amis et des collaborateurs de longue date pour la plupart. Depuis l'été dernier, Sylvie Drapeau, Anne Casabonne, André Robitaille, Renaud Lacelle-Bourdon, Martine-Marie Lalande, Laurie Gagné et Olivia Palacci se sont donc prêtés au jeu de cette création à l'aveugle...

«J'avais envie de travailler avec Olivier Kemeid, explique Éric Jean, qui a collaboré avec l'auteur et metteur en scène à deux reprises par le passé [Les mains et Une ardente passion]. Je lui ai fait deux demandes. Je voulais qu'il écrive une comédie noire; il a beaucoup d'humour dans la vie. Et puis je voulais que l'action se passe dans un édifice à bureaux. Pour le reste, il avait carte blanche.»

Au mois de juin dernier, les sept comédiens se sont présentés au local de répétition du Quat'Sous. Éric Jean et Olivier Kemeid leur ont fait faire des improvisations sur le thème du travail de bureau pendant deux heures. Qu'est-ce qu'ils ont vu dans ces impros? «On a vu l'esclavage, répond Éric Jean. On a vu des gens prisonniers de leur travail, cherchant constamment des échappatoires.»

Après une première lecture au mois de décembre, Olivier Kemeid (Furieux et désespérés, Moi, dans les ruines rouges du siècle) a poursuivi l'écriture de cette pièce inspirée des films Being John Malkovitch de Spike Jonze et Théorème, de l'Italien Pier Paolo Pasolini. De fil en aiguille, de lectures en improvisations, sa comédie noire a pris la forme d'une fable.

Survivre à l'ennui

Survivre, donc. Mais survivre à quoi? «À l'ennui, nous dit Éric Jean. À un monde de travail qui nous éteint, qui nous abrutit. Malheureusement, il y a beaucoup de gens qui doivent accepter cette situation...»

Survivre s'ouvre donc sur le plat quotidien de six employés de bureau. «On ne sait pas exactement ce qu'ils font comme travail, et à la limite on s'en fout, indique Éric Jean. Mais on les sent éteints. Ils ont tous renoncé à une partie de leur être.» Tout cela, jusqu'à ce qu'apparaisse le septième personnage, qui sera incarné par Renaud Lacelle-Bourdon (Robin et Marion, Le grand cahier).

«Dès son arrivée, une confusion s'installe, détaille Éric Jean. On ne sait pas trop ce qu'il fait là, mais sa présence va être un déclencheur de pulsions. Tous les personnages vont lui coller une étiquette en fonction de leurs désirs, de leurs manques aussi. Ils seront tentés de s'éliminer pour arriver à leurs fins, comme dans les téléréalités. Ils chercheront, à tout le moins, à se valoriser auprès de lui en rendant les autres plus vulnérables.»

Le metteur en scène ne veut évidemment pas révéler de «punch», mais à la fin, avance-t-il, «on est dans du Stephen King! Il y a un vrai suspense». «C'est une pièce sur la place du rêve, poursuit-il. Comment fait-on pour survivre à une vie où l'on n'est absolument pas stimulé? s'interroge Éric Jean. C'est aussi une pièce sur ce qu'on est prêt à faire pour atteindre son but. Pour se sortir de ce carcan...»

Du 23 avril au 18 mai au Quat'Sous

Une première partie avec Simon Lacroix


L'auteur et comédien Simon Lacroix, qui vient de commencer une résidence d'artiste au Quat'Sous, présentera une courte forme théâtrale juste avant les représentations de Survivre. Une véritable nouveauté au théâtre!

Cleaning, proposé à même le décor de la pièce d'Olivier Kemeid, mettra notamment en scène des employés d'entretien ménager travaillant dans une tour à bureaux. Simon Lacroix, dont le très chouette Projet Bocal a été présenté récemment à La Licorne (avec Sonia Cordeau et Raphaëlle Lalande), fera cette fois équipe avec Julien Hurteau et Raphaëlle Lalande.

Le trio présentera Cleaning à huit reprises, les soirs de week-end. Détails sur le site du Quat'Sous.