Il y a toujours eu quelque chose de bâtard dans le théâtre de Jean Asselin. Le directeur et cofondateur de la troupe Omnibus aime le croisement des genres: mime, jeu, danse, répertoire, création et adaptations. Ces spectacles ludiques sont des odes à l'impureté, à l'hybridité, qui font parler l'inconscient à travers le corps des acteurs. (On comprend pourquoi une troupe de fidèles le suit depuis des années.)

Ce printemps, Asselin s'attaque à Henri VI de Shakespeare (un survol des trois parties qui dure près de trois heures). Sous le titre de Fatal, la pièce est présentée à Espace libre, avec, entre autres, Paul Ahmarani et Sylvie Moreau. Ces derniers incarnent le couple royal déchiré par une guerre civile (la guerre des Deux-Roses) provoquée par l'orgueil et l'ambition de la lignée des Plantagenêt, dans l'Angleterre du XVe siècle.

Dans cette production, les acteurs ont des costumes des années 1950 et évoluent dans un espace vide, avec une passerelle, un escalier et une dizaine de portes au fond de la scène. Ils utilisent toute l'aire de jeu, entrant et sortant souvent par ces portes; ce qui donne à la mise en scène des allures de vaudeville. Le tout est joué dans une langue qui mêle du français normatif et vernaculaire, du joual et des jurons, ainsi que quantité de citations libres et modernes qui s'immiscent, ici et là, dans la prose shakespearienne.

On nage, bien sûr, dans la libre adaptation; pas dans le drame historique. Asselin a le droit de recourir aux télescopages et autres anachronismes (comme le faisait le grand Will à son époque). Toutefois, entendre le duc d'York dire: «Lèche-moi le cul, Clifford!» ou encore le duc de Gloucester lancer après une bataille: «York, mes hommes se sont fait enculer par l'ostie d'armée de la Reine!»... Disons qu'on est loin de la poésie du théâtre élisabéthain.

Un ado riait constamment en entendant des sacres ou des répliques vulgaires sortir de la bouche des membres du clan royal; ou en voyant l'un d'eux, accroupi, s'essuyer avec du papier hygiénique qu'il irait enrouler autour du cou du duc d'York. Qu'un metteur en scène ne coupe pas un peu de cet humour douteux dans une proposition déjà longue et confuse, voilà qui est beaucoup moins drôle.

De deux choses l'une: on monte Shakespeare sérieusement ou on en fait un divertissement. Pas les deux à la fois.

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Au théâtre Espace Libre, jusqu'au 11 mai.