Après avoir visité les coulisses du palais de Christine de Suède, l'automne dernier au TNM avec Christine, la reine-garçon, Serge Denoncourt monte une deuxième pièce autour de la monarchie et des leçons de l'Histoire. Cette fois, c'est le jeune Louis XIV et son entourage (sa mère, la régente Anne d'Autriche; son tuteur, le cardinal et premier ministre Mazarin; son ministre des finances, Colbert) qui font l'objet de son actuelle mise en scène du Diable rouge chez Duceppe.

Cette pièce d'Antoine Rault (créée au Théâtre Montparnasse en 2008, avec Claude Rich, entre autres) a connu un très bon succès en France. Toutefois, si le texte n'est pas dépourvu de finesse ni d'intérêt, il n'a pas les qualités dramatiques de l'oeuvre de Michel Marc Bouchard. On a l'impression un peu de voir du théâtre à thème, dans lequel les répliques sonnent convenues, placées pour faire joli ou instructif, comme dans la série Les grands esprits.

L'auteur Antoine Rault, 48 ans, a un parcours atypique. Il a été conseiller en affaires et a travaillé en politique pour des ministres, avant de connaître le succès au théâtre, en 2005, avec Le Caïman, une pièce inspirée de la vie du philosophe Louis Althusser.

Un mariage politique

Le diable rouge se passe au palais du Louvre, entre 1658 et 1661, alors que Mazarin, malade et se sachant condamné, veille à la succession du royaume de France. Mazarin veut s'assurer que le roi comprend bien les rouages du pouvoir. Au premier plan, il faut un mariage politique de Louis avec l'infante d'Espagne, Marie-Thérèse, pour en finir avec la guerre avec ce pays qui dure depuis 30 ans. Or, le roi aime une belle Italienne... Il apprendra que le pouvoir absolu ne rend pas libre de ses choix, et que la politique ignore les sentiments et la loyauté. Diviser pour mieux régner. Et s'unir pour mieux durer.

Le théâtre d'Antoine Rault est bâti sur sa passion de la politique et de l'Histoire, sur la prémisse que « la grande histoire peut influer sur la petite «. Et qu'elle se répète inlassablement.

Malheureusement (si on se fie à ce qu'on voit chez Duceppe), ce théâtre à thèse, de construction classique et assez élégant dans sa forme, distille une mécanique très lourde. Malgré le talent de Denoncourt, la belle scénographie de Guillaume Lord et les magnifiques costumes de Barbeau, l'émotion est rarement au rendez-vous. Cette production arrive difficilement à soutenir notre intérêt pendant 95 minutes. Malgré le jeu irréprochable des interprètes : Jean-François Casabonne, très bon en Colbert, Michel Dumont qui enfile avec maestria le rôle de Mazarin, Monique Miller émouvante en reine malheureuse, mais digne, Magalie Lépine-Blondeau et François-Xavier Dufour, fougueux et sensuels en jeunes amoureux qui seront séparés par la raison d'État.

Tous les ingrédients sont là pour faire du bon théâtre. Il ne manque que le style d'un auteur capable de transformer sa passion de l'Histoire en véritable oeuvre d'art.

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Au Théâtre Jean-Duceppe, jusqu'au 18 mai.