C'est un long souffle... Que dit-on? Plutôt un vent violent, une bourrasque, une rafale, une tornade de mots exprimant des émotions brutes, violentes et puissantes que nous livre Annick Lefebvre avec sa dernière pièce, Ce samedi il pleuvait.

Présenté en lecture il y a quelques années, ce troisième texte dramatique (elle a aussi signé de courts textes) de l'auteure formée à l'UQAM (cuvée 2003) a pris l'affiche des Écuries, cette semaine, dans une mise en scène de Marc Beaupré.

Cette fois-ci, l'auteure de La messe en 3D s'inspire de son passé familial à Saint-Bruno-de-Montarville pour mieux mourir de sa petite enfance. Car elle parle de quelque chose de beaucoup plus grand et tragique que la vie de famille dans une banlieue cossue de la Rive-Sud de Montréal.

Annick Lefebvre aborde le froissement douloureux des vies privées d'amour, le pénible sentiment du temps gâché, du temps perdu, qui est doublement plus violent lorsqu'il prend naissance dans une cellule familiale traditionnelle.

Son texte est constitué de longs monologues souvent dits par deux personnages en parfait synchronisme ou, vers la fin, en parfait «désynchronisme». Ce qui rend cette langue singulière et poétique encore plus fulgurante.

Dans un espace-temps non précis et un décor dépouillé, quatre acteurs s'adressent directement au public. Leur parole est exigeante, tant l'écoute que la livraison. Elle demande une maîtrise et une grande concentration de la part des acteurs.

La distribution est formée de vrais jumeaux dans la vie pour incarner le frère et la soeur: Maxime David et Sébastien David (le premier n'est pas un acteur professionnel, mais ça ne se voit pas du tout). Marie-Ève Milot et Alexandre Fortin jouent leurs parents, même s'ils sont beaucoup plus jeunes que l'âge de leurs personnages. On comprendra à la fin qu'ils sont, tout comme les jumeaux, prisonniers de leurs blessures d'enfance.

La mise en scène de Marc Beaupré est tout sauf conventionnelle. Beaupré a intégré une ardoise noire au mur de fond de scène (la scénographie est de Romain Fabre), sur laquelle sont dessinés à la craie blanche les quatre membres de la famille avec leur chien, Sultan II.

Durant la pièce, chacun des interprètes ajoute son coup de craie, laissant des traces de plus en plus chaotiques sur l'ardoise de son existence. Comme diront les parents à la fin, après le récit de leurs blessures de jeunesse: «Vingt-sept ans, c'est jeune. Pis c'est tellement vieux en même temps. Ça dépend de quel côté de la douleur on se place.»

Ce samedi il pleuvait ne demande pas au public de trancher ni de trouver un sens à ce récit tragique qui se termine sur une note d'espoir. Mais vous risquez d'en ressortir le souffle coupé.

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Au Théâtre Aux Écuries. Jusqu'au 27 avril.