La nouvelle création de Sarah Berthiaume était attendue avec impatience. Créée simultanément à Montréal et à Paris, Yukonstyle aborde avec une certaine sensibilité les thèmes de l'errance et de la solitude, mais le texte multidirectionnel de l'auteure tend à se perdre dans ces vastes espaces du nord.

Difficile en effet de trouver le fil rouge qui lie entre elles toutes les scènes racontées dans Yukonstyle.

Une jeune fille débarque au Yukon habillée en poupée à la recherche d'on ne sait quoi. Ce personnage en fuite, interprété par Sophie Desmarais, sera accueilli par des «locaux». Mais on ne saura pratiquement rien de sa vie, mis à part qu'elle est enceinte. À défaut d'être un personnage essentiel, elle sera le révélateur de la solitude des autres.

Ce qui nous amène au fameux couple de colocataires qui l'héberge. Yukonstyle repose beaucoup sur leur histoire. Garen (Vincent Fafard), un métis dont la mère a mystérieusement disparu. Et Yuko, une Japonaise exilée, qui cohabite avec lui. Dans ce rôle, Cythia Wu-Maheux a une présence extraordinaire et brille sur scène. Sarah Berthiaume a-t-elle créé ce personnage en pensant à elle? On pourrait le croire.

Toujours est-il qu'ensemble dans l'errance et l'insignifiance de leur quotidien, Garen et Yuko se rapprocheront, notamment avec la maladie du père de Garen, un vieil alcoolique qui a des visions de corbeaux, interprété avec justesse par Gérald Gagnon.

Voguant entre réalisme et fantastique, le récit de Sarah Berthiaume évoque aussi au passage l'assimilation des autochtones et la prostitution des jeunes «Natives». Elle parvient même à y greffer le procès de Robert Pickton, en le liant à la disparition de la mère de Garen... C'est dans ce sens qu'on a l'impression que l'auteure s'éparpille un peu.

Tous les personnages narrent l'histoire en même temps qu'ils interprètent leurs personnages. Un procédé qui fonctionne bien dans l'ensemble, mais qui a ses limites. À force de décrire l'action, on réduit d'autant les possibilités d'évocation. Tout ce qui peut être senti dans les silences des personnages ou à travers les dialogues. Difficile dans ce contexte pour les acteurs de se détacher du texte.

L'approche minimaliste du metteur en scène Martin Faucher convient, mais à force d'être nulle part, n'importe quand, on finit par se perdre. C'est comme s'il manquait le décor. Une fois la solitude des quatre personnages illustrée et démontrée, que reste-t-il de Yukonstyle? Justement, pas grand-chose. Mise à part une vague impression de s'être égaré.

______________________________________________________________________

Jusqu'au 4 mai au Théâtre d'Aujourd'hui.