Partageant sa vie entre la France et le Québec, la comédienne Marie-Ève Perrron a travaillé sous la direction de Wajdi Mouawad et de Stanislas Nordey, entre autres, depuis sa sortie du Conservatoire de Montréal, en 2004. L'actrice se produit aussi dans des projets personnels, comme Gars, son second texte pour la scène, à l'affiche de la salle intime du Théâtre d'Aujourd'hui.

Écrit, mis en scène et interprété par Perron, Gars est un solo forgé dans la douleur et l'insastifaction à la suite d'une rupture amoureuse. L'auteure dresse un constat d'échec du couple d'aujourd'hui, peu solide et durable. Mais elle critique surtout le cynisme sentimental ambiant qui a remplacé l'engagement, le romantisme, la monogamie. Dans une société où il n'y a plus de modèle amoureux, comment peut-on continuer à croire à Roméo et Juliette? À espérer le prince charmant, l'amour à la vie à la mort? On schématise.

Le décor représente un salon dévasté après une fête, en déconstruction (sans doute une allégorie au désordre intérieur du personnage). La mise en scène, assez recherchée au plan de la gestuelle, exploite habilement le petit espace scénique. Marie-Ève Perron nous livre les états d'âme de cette célibataire malgré elle. Un intense monologue d'environ 75 minutes pour exorciser le mal d'aimer. Malheureusement, dès le départ, le personnage creuse un fossé avec sa logorrhée sentimentale. On n'a aucune empathie pour cette fille qui n'existe que pour exposer sa frustration, sa dépendance amoureuse.

Donc, depuis le départ de «gars», rien na va plus pour «fille». Elle ne dort plus, ne mange plus, ne voit plus ses amies et «a failli mourir 12 314 fois»... Si «gars», qui a refait sa vie ailleurs, daigne lui écrire trois mots («je pense à toi»), «fille» ouvre portes et fenêtres pour l'accueillir à bras et à coeur ouverts. Tant pis si on ne sait srictement rien de cet homme idéal (on l'entend brièvement vers la fin, en voix hors champ), sinon qu'il incarne le prérequis au bonheur du sexe féminin.

Misère! Soixante ans de féminisme pour en arriver là! Une femme sans homme est moins que rien, l'ombre d'elle même, un champ dévasté! Hors du couple, point de salut? Certes, la blessure affective transcende le féminisme, l'idéologie. Or, en construisant sa pièce sur le même ton victimisant, uniquement sur le registre de la complainte de la femme abandonnée par son homme, Gars n'arrive pas à avoir du recul sur son sujet. Ce minimum de transpostion qu'il faut pour rendre universelle la souffrance intime. Dommage.

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Au Théâtre d'Aujourd'hui (salle Jean-Claude Germain), jusqu'au 6 avril.