Après Warwick de Jean-Philippe Baril Guérard, qui mettait en scène le difficile retour à la vie normale d'un soldat québécois grièvement blessé en Afghanistan, une autre pièce cette saison se penche sur la face cachée de cette guerre entamée depuis plus de 10 ans déjà.

Grains de sable, de la jeune metteuse en scène d'origine polonaise Milena Buziak, est présentée encore quelques soirs au studio Espace Libre. Il s'agit d'une pièce de théâtre documentaire écrite à partir de plus de 20 heures d'entretiens menés par l'auteure avec trois soldats envoyés en mission en Afghanistan et avec leurs conjointes. Le spectacle soulève d'intéressantes pistes de réflexion. Mais la proposition reste un peu courte (50 minutes) et embryonnaire.

Buziak a misé sur une esthétique fragmentaire pour théâtraliser ces témoignages (avec la complicité de Pascal Brullemans à la dramaturgie). Le récit aborde donc diverses facettes des répercussions de ce conflit sur les militaires et leurs proches: les effets (négatifs ou... positifs!) de la séparation sur le couple; la perception des enfants, des médias; les blessures physiques et surtout psychologiques des militaires, souvent ignorées, comme la dépression.

Dès le départ, l'auteure nous prévient qu'il faut laisser nos préjugés au vestiaire. «La vérité est contradictoire», dit-elle. Il faut souligner que l'auteure a interviewé un colonel, un adjudant et un caporal. Selon son rang, son âge, chacun a une vision bien différente du rôle de l'armée.

Buziak se met aussi en scène. Assise à l'extrémité de la scène, sous un projecteur, tasse de café et calepin sur la table, elle épie les interprètes qui donnent vie à ses récits qui se répondent les uns les autres. La distribution est composée de Kathleen Aubert, Jean Belzil-Gascon, Jean-Guy Bouchard, Alexis Gareau, Isabelle Miquelon et Isabelle Montpetit (tous excellents).

Dans sa démarche artistique, Buziak a autant le souci de l'oralité de sa matière première que le respect des gens qui lui ont fait confiance - il faut souligner qu'il n'était pas évident de trouver des militaires prêts à se raconter à une femme de théâtre. Sa mise en scène, sobre et précise, met donc la forme orale à l'avant, tout en lui insufflant une belle charge de poésie scénique.

Au bout du compte, Buziak et sa compagnie Voyageurs immobiles ne sont pas intéressées par les réponses, mais par «la création d'un espace de débat, d'échange et de réflexion, une mise en doute de nos convictions esthétiques, éthiques et sociales», écrit-elle.

Afin de favoriser ces échanges avec le public, chaque représentation est suivie d'une discussion.

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Grains de sable, au Studio Espace Libre, jusqu'au 16 mars, à 19 h 30.