Les chemins qui marchent, deuxième volet de l'ambitieux chantier d'Alexis Martin sur L'histoire révélée du Canada français, remet le cycle théâtral du dramaturge à flots.

Grâce à ce spectacle musical délirant, l'auteur et comédien ramène son projet sur la bonne voie. Après avoir exploré l'an dernier notre rapport au froid dans le laborieux et parfois assommant Invention du chauffage central en Nouvelle-France, le codirecteur artistique du Nouveau Théâtre Expérimental (NTE) aborde notre histoire du point de vue de nos cours d'eau et de notre rapport à la terre avec une belle folie.

La pièce a été construite à la manière d'une comédie musicale, un énorme gain par rapport au premier volet. Elle est traversée d'une vingtaine de chansons qui font mouche, incluant des chants autochtones étonnants.

Ceux qui ont vu le premier chapitre de cette grande fresque historique qui commence par la fondation de la ville de Québec en 1608 et se termine par la crise du verglas en 1998 ne seront pas trop dépaysés. Le génial dispositif scénique imaginé par Daniel Brière y est quasi identique, si ce n'est du canal d'eau qui entoure la scène. On y retrouve ainsi les trappes dissimulées dans le plancher de bois, par où passent les comédiens et d'où émergent de façon assez astucieuse les éléments du décor.

Récit anachronique

Comme dans le premier volet, Alexis Martin a fait le choix de multiplier les sauts dans le temps. Récit anachronique, donc, fait de plusieurs saynètes où l'on passe sans sourciller de l'inauguration du barrage hydroélectrique Manic-5 au naufrage d'une embarcation à Anticosti en 1880 en passant par les alliances de Frontenac et de son intendant Champigny pour contrer les attaques anglaises.

On y retrouve ainsi, dans le désordre, une foule de personnages, dont Samuel de Champlain, Louis Jolliet, le père Marquette ainsi que des chefs autochtones, dans des segments qui témoignent de l'immense travail de recherche de l'auteur.

Mais contrairement à Invention du chauffage central, où l'auteur faisait flèche de tout bois en multipliant les historiettes, Les chemins qui marchent, tout en abordant de nombreux sujets, approfondit au moins deux ou trois histoires. Dont celle d'un ingénieur à la Station d'épuration des eaux de Montréal, François, frappé d'amnésie au contact de l'eau. Ou encore de ce modeste draveur du Saint-Maurice (Belleau), qui tombe amoureux de la fille de son patron, riche propriétaire anglais.

Le fil rouge qui lie ces événements me paraît aussi plus clair que dans Chauffage central. Alexis Martin s'y interroge sur notre rapport au temps, au territoire et à l'histoire.

«De quoi faut-il se rappeler et que faut-il oublier?», demande justement un des personnages. Intéressante réflexion qui traverse ces péripéties, des premiers colons français en terre d'Amérique jusqu'à la Conquête anglaise, le tout présenté avec beaucoup d'humour.

Ce jeu délirant, il est porté sur scène par une distribution impressionnante menée par François Papineau, qui multiplie les rôles, les accents et les tours de chant avec une aisance déconcertante. Il est parfaitement bien épaulé par Dominique Pétin, Gary Boudreault, Steve Laplante, Marie-Ève Trudel, Pierre-Antoine Lasnier, Carl Poliquin et Alexis Martin.

Un voyage historique musical forcément incomplet, mais tout à fait percutant, qui nous permet d'espérer le meilleur pour le troisième et dernier volet, Le pain et le vin, qui sera présenté le printemps prochain en même temps que les deux premiers volets de la trilogie.

_________________________________________________________________________

Jusqu'au 28 mars à Espace Libre.