L'auteur de Chante avec moi et Nom de domaine monte sur scène pour la première fois afin de défendre son personnage de Mommy, une grand-mère qui revient à la vie pour glorifier son passé. Et qui, pour se faire comprendre des jeunes, s'adresse à eux en rappant. Olivier Choinière nous parle de ce «conte d'horreur musical» qui dénonce et célèbre la nostalgie.

Si Olivier Choinière a senti le besoin de monter sur scène, c'est parce que son personnage de Mommy, comme il dit, est dans son placard depuis des années.

«C'est une parole que je voulais porter sur scène, nous dit l'auteur. C'est le printemps érable qui m'a donné l'impulsion d'écrire cette histoire. Entre autres avec ce discours sur les enfants gâtés. Quand un Gilbert Rozon rencontre les leaders étudiants parce qu'il craint pour son festival, on peut se demander qui est l'enfant-roi...»

«Mommy est une pièce sur le passé, sur la nostalgie, poursuit Olivier Choinière. Sur le fait qu'on ne parvienne pas à entrevoir dans le présent un horizon, une solution, une possibilité d'avenir. Pour trouver des réponses, on se tourne tout le temps vers son passé. Mommy est représentatif d'une génération. De ces gens qui ont tout vécu, qui laissent croire qu'après eux, c'est le déluge; qui sont les victimes absolues, qui ont toujours raison, qui sont convaincus d'être LE Québec.»

La pièce emprunte les codes du conte. «C'est comme si la Belle au bois dormant avait pourri là, et qu'à un moment donné, elle se réveillait.» L'auteur la qualifie de conte d'horreur musical. «Le personnage de Mommy est un zombie, une grand-mère qui revient à la vie parce que sa tombe a été outragée. Elle va accuser le public de cet outrage, parce qu'évidemment, dans le public, il y a des maudits jeunes. Elle rappe pour se faire comprendre d'eux. Une jeunesse inculte et ignare, qui ne comprend pas le français...»

Les cinq autres acteurs dirigés par Choinière, dont Stéphane Crête et Jean-François Nadeau, interprètent chacun trois ou quatre personnages dans l'entourage de Mommy. Alexia Bürger cosigne la mise en scène.

Comme dans tout conte qui se respecte, l'histoire commence par: «Il était une fois...» Et c'est la fée Clochette qui introduit l'histoire de Mommy. «C'est plus un show de musique que de théâtre, précise Olivier Choinière. Mommy, c'est 13 chansons, certaines rappées, d'autres mixées avec des extraits de chansons connues, des discours politiques, des publicités. Il y aura aussi un DJ sur scène. Il y a un côté très carré à ce spectacle. Mais on est dans l'ironie, dans la comédie, l'absurde.»

Dans sa quête de « (re) vie», Mommy va tuer des gens qui seront à leur tour des morts-vivants. Une fois morts, ils se mettront à rapper eux aussi...



Machine à nostalgie

«Le show est un kaléidoscope de références culturelles qui sont récupérées pêle-mêle, c'est une grosse machine à nostalgie. Une machine que je dénonce, mais en même temps que j'alimente. Il y a l'idée de la récupération. D'abord avec les zombies, qui reviennent à la mode, puis dans le rap, qui est aussi un genre musical nostalgique....»

Il n'empêche, la nostalgie nous contraint à un immobilisme, estime-t-il. Et ce mouvement rétrograde est incarné aujourd'hui par Stephen Harper. «Le retour à l'ordre, le débat sur l'avortement, pour moi, ce sont des reculs. Mon show, c'est un gros fuck you à la droite conservatrice. C'est fait dans ce sens. On dit parfois que oui, c'est une évidence d'être contre Stephen Harper, mais on n'en parle peu. L'an dernier, il y avait une manifestation pour souligner le deuxième anniversaire de la majorité obtenue par les conservateurs. Nous étions 25 dans la rue...»

Pas d'espoir, donc, à la fin de cette promenade dans le passé? «L'espoir est dans le ton, répond Choinière. On est dans l'ironie. Pour moi, ce show-là est une fête, c'est un party. L'espoir ne réside pas dans l'horizon que j'entrevois, mais dans le fait qu'on réalise qu'on baigne dans cette eau-là. On se dit: brassons-le à fond et plongeons dans cette nostalgie jusqu'à en jouir, jusqu'à plus soif et jusqu'à l'écoeurement!»

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Aux Écuries du 19 février au 9 mars.