«C'est ce qui échappe aux mots que les mots doivent dire.» Voilà le pari littéraire de Nathalie Sarraute, auteure et dramaturge qui a traversé le XXe siècle à pas feutrés, en voulantdire l'indicible, avec une oeuvre qui explore les forces et les limites du langage pour servir l'entreprise humaine.

Le Théâtre Galiléo présente actuellement au Prospero sa pièce à succès, créée en 1982, Pour un oui ou pour un non.

On y voit deux amis s'expliquer durant 60 minutes sur un froid qu'il y a eu entre eux. D'abord fondé sur «un rien, un silence, un suspens, une intonation condescendante», l'objet de leur différend deviendra vite quelque chose de plus grave, de blessant, et peut-être d'irréconciliable...

À travers des répliques à la fois drôles et philosophiques, Nathalie Sarraute explore la fragilité du rapport à l'autre, ce moment où le sens bascule dans un marasme d'émotions contradictoires. On l'observe tous les jours: le langage est un outil de communication pouvant unir ou séparer les individus, parfois sans raisons valables. Un jour, un individu fait partie du groupe; un autre, il est seul face à lui-même. Cette dualité est le sujet de la pièce.

Christiane Pasquier signe une mise en scène très précise - mais un peu trop sage - de cette courte partition. Elle dirige Marc Béland et Vincent Magnat (aussi fondateur du Théâtre Galiléo) dans les rôles principaux. Le jeu de Magnat nous a semblé un peu hésitant, mardi soir, ce qui nuisait au rythme de cette joute verbale.

Par contre, Marc Béland est toujours aussi juste et bon dans la peau de l'ami mis au pilori. Quand l'acteur récite les vers de Verlaine, «la vie est là, simple et tranquille», tout son être dégage douceur et paix.

La metteure en scène a aussi travaillé avec le concepteur visuel et dessinateur Thomas Corriveau. Ce dernier a réalisé des images animées, projetées sur deux écrans en toile de fond, qui suivent et soulignent le récit. On y voit se déployer les silhouettes des deux comédiens, seuls puis dans la foule, avant de devenir des formes abstraites... Comme si elles se fondaient dans la marée humaine.

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À l'affiche du Théâtre Prospero jusqu'au 9 février.