Ce n'est pas le genre d'anniversaire auquel on aimerait spontanément être convié... Celui d'un homme handicapé, Jean, qui a décidé que la vie ne valait plus la peine d'être vécue et qui, le jour de son anniversaire, reçoit pour la dernière fois la visite de sa famille réunie au grand complet. «J'ai trop mal pour être heureux», dira-t-il à ses proches, qui tentent de le convaincre de renoncer à son projet de suicide assisté.

Le scénario, dans son esprit, n'est pas sans rappeler la cérémonie d'adieux qu'avait organisée Paul Buissonneau au Quat'Sous. Sortes de funérailles organisées par le comédien durant lesquelles il était apparu sur un écran d'ordinateur, en duplex, causant en direct avec ses amis (notez qu'il vit toujours!). Ou alors de ce topo qu'avait réalisé l'équipe d'Infoman sur la mort de Pierre Bourgault, qui voulait assister (de son vivant) à la diffusion du reportage.

Sujet d'actualité

Le sujet est d'actualité, ou le sera à n'en pas douter: celui du choix de vivre ou non. La pièce de Pier-Luc Lasalle (L'anatomie du chien) juxtapose l'histoire de Jean, et de sa mort annoncée, à celle d'autres personnages disparus. À commencer par le jeune Mathieu, petit-fils de Jean (le fils de sa fille Anne), mort dans un accident de voiture. Une mort qui menace la vie amoureuse de ses parents et écrase son jeune frère d'une chape de plomb (très bon Étienne Courville).

Et ce n'est pas tout. Le frère de Jean y va d'un court monologue sur la mort de sa femme. Pareil pour Gabrielle, la belle-fille de Jean, qui fait le récit du suicide de son père. Cette Gabrielle, défendue par Sylvianne Rivest-Beauséjour, est d'ailleurs le seul rayon de soleil dans cette pièce cafardeuse où la mort rôde dans la salle. Avec sa bedaine de femme enceinte et son sourire radieux, elle se prononcera contre le projet de son beau-père. «La mort ne devrait pas être un choix», tranche-t-elle.

Comédiens touchants

Parmi toutes ces histoires de deuils - dont plusieurs sont de véritables témoignages -, le public peut effectivement se faire sa propre idée sur le suicide assisté. Il reste que tout le monde a ses histoires de morts. Ce qui ne veut pas nécessairement dire qu'on veuille les entendre... Reste à souligner le travail du metteur en scène André-Marie Coudou (Emma, Le désir), qui parvient à donner un sens scénique à ces confidences.

Un mot sur les comédiens, qui jouent tous sans pathos malgré l'immense trappe qui s'ouvre devant eux à chaque réplique. Mention spéciale à Nathalie Gascon, qui compose magnifiquement le rôle d'une mère d'abord endeuillée par la perte de son petit-fils (Mathieu), puis par la mort prochaine de son mari (Jean). À Diane Ouimet aussi, d'un naturel désarmant, et aussi à Denis Gravereaux, le Jean en question, qui fait une touchante sortie de scène.

On ne sort pas de La fête à Jean d'un pas guilleret, mais peut-être avec le sentiment d'avoir échappé à sa propre mort. Pour le moment.

La fête à Jean, jusqu'au 26 janvier à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier.