Qui est Pinocchio? Un garçonnet naïf, victime des filous, exploiteurs et autres esprits mal intentionnés comme le raconte Disney? Un garnement malcommode qui écrase sans scrupule le sage cricket parlant, comme dans le feuilleton original de Carlo Collodi? Hugo Bélanger, l'ingénieux directeur artistique du théâtre Tout à trac, a préféré ne pas choisir entre ces deux camps.

Pinocchio, pour lui, c'est d'abord l'histoire d'un petit garçon à qui il reste beaucoup à apprendre et qui, pas plus fou qu'un autre, est très sensible aux sirènes de la loi du moindre effort.

En une heure d'un spectacle dense et fabuleusement mené, il évoque le long parcours de ce pantin de bois pas toujours sympa à travers les épisodes clés du conte que l'on connaît : sa «naissance» dans les mains d'un pauvre fabricant de jouets nommé Gepetto, sa rencontre avec deux filous (Monsieur Renard et le Chat) qui lui font miroiter la célébrité et la richesse instantanées, son tour de piste dans le théâtre de Mangefeu, la virée périlleuse au pays des jouets, etc. Tout est là. Avec, en plus, une multitude de clins d'oeil astucieux à notre époque.

Hugo Bélanger souligne en effet combien ces rêves qu'on fait miroiter au jeune Pinocchio sont présents dans la vie des jeunes d'aujourd'hui... et de leurs parents. Célébrité instantanée rime en effet avec téléréalité. Monsieur Renard qui promet à Pinocchio que ses quelques pièces d'or seront bientôt un million s'il les investit dans sa bourse, on entend clairement les escrocs à cravate qui, tel Vincent Lacroix, ont floué des investisseurs aussi crédules que... cupides.

Pinocchio, cela dit, demeure d'abord et avant tout un pétillant et divertissant voyage dans l'imaginaire. Un monde où les objets et les animaux parlent, un théâtre où la plupart des manipulations et trucages se font à la vue de tous et qui émerveillent d'autant plus qu'on a conscience de se laisser mener en bateau. Ce modus operandi fréquent au théâtre Tout à trac est une manière intelligente de créer une connivence intime et engageante entre le spectateur et le spectacle.

Hugo Bélanger fait une fois de plus preuve d'une grande maestria dans la mise en commun des talents d'une foule d'artisans de qualité. Les masques et les costumes du Chat et de Monsieur Renard sont superbes, le cricket parlant est un personnage inspiré (de sa drôle de tête au bout de la longue tige où il se tient), le décor - qui évoque le début de l'industrialisation, un basculement du monde qui fait écho à l'actuelle révolution numérique - est fort éloquent. 

Que de bons mots aussi pour la dynamique distribution composée de Marie-Ève Millot (Pinocchio), Christian Perrault (Monsieur Renard), Claude Tremblay (rôles multiples) et d'Audrey Talbot, qui a remplacé au pied levé, avec brio, Sarah Laurendeau, qui devait interpréter le Chat. Parfait pour les petits (à partir de 5 ans) et tout aussi réjouissant pour leurs accompagnateurs!

Jusqu'au 30 décembre à la Cinquième salle de la Place des Arts. En tournée dès janvier.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION