Étoile montante du théâtre français, le metteur en scène Olivier Letellier, qui a remporté il y a deux ans le Molière du meilleur spectacle jeune public pour la pièce Oh boy!, présente sa nouvelle création aux Coups de théâtre. Fruit d'une collaboration avec le Québécois Daniel Danis, La Scaphandrière, conte contemporain sur la dépendance, a été jouée cet automne au Théâtre Chaillot de Paris et arrive auréolée d'une excellente réputation.

«Tous les contes sont cruels, dit en souriant Olivier Letellier, qui est lui-même conteur. Mais la vie est super dure pour les gamins! Ils s'en prennent plein la gueule et plein les yeux tout le temps. Il ne faut pas avoir peur de leur dire la vérité: c'est pas facile, mais on en cause.»

Pas question de faire du théâtre éducatif ou moraliste, précise-t-il toutefois. Tout est dans la façon de raconter l'histoire, et c'est ce qu'il s'évertue à trouver dans chacune de ses pièces, qui abordent des sujets difficiles comme la maladie et l'abandon dans Oh boy! et la dépendance dans La Scaphandrière. «Mes sujets sont forts et contemporains. Il s'agit de faire entrer du merveilleux dans le quotidien, et il y a toujours de la lumière à la fin.»

C'est pour cette capacité d'aller dans la métaphore qu'il apprécie le travail de Daniel Danis, qu'il a connu au Festival d'Avignon en 2008. «J'y ai vu sa pièce Kiwi, ça m'a transformé. J'aime sa poésie qui sait faire des images. Cette poésie-là ne me fait pas peur. C'est l'autre, la lyrique, que je fuis.»

Olivier Letellier a demandé à Daniel Danis s'il voulait faire un projet avec lui, et La Scaphandrière est née de leurs multiples échanges. «Ç'a été une émulsion d'échanges, raconte l'auteur québécois qui vit à Québec. J'ai écrit 11 versions du texte! Celle qui est publiée n'est d'ailleurs pas la même qu'on voit sur scène. Même la fin est différente. J'en ai beurré plus large, et lui a choisi des passages.»

Collaborer avec Olivier Letellier a été stimulant pour Daniel Danis, qui a apprécié son désir d'aller au-delà du premier degré. «C'est une thématique pas évidente, sur la difficulté d'aborder son avenir et sur les solutions de l'existence.» «Ce que je veux, c'est mener les histoires jusqu'au bout, précise Olivier Letellier. Avec Daniel, quand ça devient insupportable, on plonge dans le fantastique, et c'est comme si on disait: c'est juste une histoire...»

La Scaphandrière se déroule dans un environnement très technologique: deux caméras et trois vidéoprojecteurs sont installés sur scène pendant ce solo, et 90% des projections sont en direct. «Oh boy! est fait de bric et de broc, c'est très différent. Ce qui unit mes mises en scène, c'est le métissage entre les langages artistiques et le thème de la famille et de l'enfance malmenée.» Et l'intérêt pour une langue forte, qu'il apprécie particulièrement chez les auteurs québécois. Il profitera d'ailleurs de son passage au Québec pour en rencontrer quelques-uns... «J'aime leur franc-parler, leur manière frontale d'aborder les choses. C'est certain que je vais renouveler l'expérience.»

Oh boy!: prenant

Avec 500 représentations au compteur, Oh boy! est un véritable succès en France. «C'est au-delà de toutes nos espérances», admet Olivier Letellier. En voyant la pièce cette semaine, lors d'une représentation scolaire à l'Usine C, on comprend pourquoi cette adaptation du livre de Marie-Aude Murail a su toucher le coeur des gens, et pourquoi le phénomène a dépassé le cadre du théâtre jeunesse - une appellation que n'aime d'ailleurs pas beaucoup le metteur en scène.

Cette histoire d'une famille reconstituée, racontée par Barthélémy, jeune homme qui se retrouve à la tête d'une fratrie et qui malgré son insouciance devient un véritable pilier pour trois enfants abandonnés, est aussi drôle que touchante. La mise en scène épurée,

ingénieuse et réglée au quart de tour, très près du théâtre d'objet -  les enfants sont évoqués par... des livres -, et la performance solo époustouflante de Lionel Lingelser, qui incarne tous les personnages en changeant parfois une simple intonation, font de Oh boy! une expérience théâtre unique, ludique, bouleversante... et résolument pour tous.

La Scaphandrière, ce soir, demain et lundi au Théâtre Outremont. Dès 9 ans.

Oh boy!, au Centre culturel de Beloeil demain à 15h. Dès 9 ans.