Vous aimez le théâtre anglo-saxon ancré dans la société contemporaine que privilégie la direction de La Licorne? Passez faire un tour à... Espace Go. Dans Bienveillance, la dramaturge Fanny Britt met le doigt sur un dilemme bien de notre temps qu'elle expose avec finesse et humour, ainsi qu'avec une incontestable lucidité qui ne vire pas au cynisme, sans être dépourvue d'acidité.

Patrice Dubois y interprète un prospère avocat montréalais de passage à Bienveillance, le village où il a grandi. Par affaire ou par affection? Un peu des deux. Il a fait le voyage pour voir Bruno (Dany Michaud), un ami d'enfance, et pour clarifier une situation délicate dans laquelle les deux hommes sont accidentellement impliqués. Dans des camps opposés.

Le malaise entre les vieux copains est d'abord tourné en dérision dans des dialogues hachurés qui laissent deviner à la fois de la méfiance et le souvenir d'une tendresse sincère. Peu à peu, dans un mouvement soigneusement calibré par le metteur en scène Claude Poissant, le ton se fait plus grave. La confrontation sera déchirante.

L'enjeu, il est vrai, est fondamental: comment trouver un point d'équilibre entre les forces du monde et notre nature profonde? Comment être bon dans un monde où l'éthique semble un luxe? Se peut-il qu'en cherchant à faire le bien, on mette la table au pire?

Fanny Britt arrive au coeur de ce débat existentiel en scrutant une situation simple, en posant les yeux sur la face cachée d'un fait divers. Elle creuse avec minutie et force nuances des zones intimes pourtant inextricablement liées au discours social et aux environnements familiaux ou professionnels dans lesquels on vit.

Son texte est d'une extrême habileté, à la fois dur, drôle et sensible. Il fait de multiples détours sans éviter le fond des choses et est habité par des acteurs d'une grande justesse, parfois jusque dans l'exagération: Patrice Dubois et Dany Michaud, bien sûr, mais aussi Louise Laprade, Sylvie de Morais (très touchante dans son hébétude) et Christian E. Roy.

Bienveillance aurait pu verser dans le manichéisme et les bons sentiments. Elle frôle l'un et l'autre, ici et là. Mais la pièce garde toujours le cap et convainc tout particulièrement en raison de son astucieuse finale: un happy end qui possède une ombre inquiétante...

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Bienveillance, jusqu'au 27 octobre à Espace Go.