Tout part d'une inquiétude : l'effondrement des colonies d'abeilles, constaté ici comme partout ailleurs dans le monde. De ce point de départ, Michel Onfray a signé un texte à la fois poétique et philosophique, qui pose de brillante façon la question de notre rapport à la nature. Pendant une heure, c'est sa voix et sa parole qui nous transmet La sagesse des abeilles. Un spectacle bourdonnant de réflexions sur la vie, la mort...et le miel.

Du théâtre politique ou social, on connaît. Mais de la philosophie dans nos théâtres? Plutôt rare... Et pourtant, La sagesse des abeilles fait mouche (excusez-là!) et le mélange est onctueux. Vu la qualité du texte d'Onfray, mais aussi grâce au travail du metteur en scène Jean-Lambert Wild, qui donne vie à cette parole en nous représentant sur scène une ruche de forme humaine, dans laquelle s'agitent 20 000 abeilles! Un dispositif quasi hypnotique, étonnamment sobre, où l'homme et la ruche ne font qu'un.

L'ambiance est grave, cosmique aussi avec ce grand ciel étoilé... On est loin de Drôle d'abeille, même si le film de Dreamworks servait le même avertissement: plus d'abeilles, plus de pollenisation. Plus de pollenisation, plus de fleurs, plus de plantes, plus de fruits. Et, bien sûr, plus de miel. Je simplifie, mais à peine. Au fond, La sagesse des abeilles est un formidable miroir que nous tend Michel Onfray pour souligner notre candide imprudence face à leur possible disparation. Comme de la nôtre d'ailleurs...

Toute la scénographie et la musique - Lorenzo Malaguerra, Jean-Luc Therminarias et François Royet - contribuent à faire résonner les mots de Michel Onfray. Des mots exigeants, c'est vrai, qui nous font aussi prendre conscience du peu de place que l'on accorde à la philosophie dans nos discussions. L'auteur de La philosophie féroce et de L'organe de la peur y multiplie les références au philosophe grec, Démocrite, pour qui le monde n'est que matière et nous, les humains, des fragments du cosmos.

Comme le disait Jean-Lambert Wild après la représentation de mercredi soir, «lorsqu'on n'est plus attentif à notre environnement, c'est à ce moment là qu'il disparaît...» Voilà qui résume bien La sagesse des abeilles. À la fin de la première, le public a eu la chance de poser directement des questions aux deux créateurs, Michel Onfray faisant la preuve de son immense savoir. Le parti-pris de l'auteur pour le divin dans la nature et non dans les livres, a alimenté la discussion, et amené l'auteur sur le terrain glissant des religions.

Pour ajouter à ce spectacle ovni, à la fois performance, installation vivante et lecture publique, le public est invité à une dégustation de miel après le coucher des abeilles... Une expérience théâtrale, disons-le, assez improbable, qu'on vous recommande. Ne reste qu'à relire ce texte de Michel Onfray, pour en savourer tout le nectar.

À l'Usine C jusqu'au 14 septembre.