Lorsqu'un metteur en scène s'attaque à Molière, il a deux choix. Il peut d'abord le monter dans le respect de la tradition classique - comme Le malade imaginaire dirigé par Carl Béchard au TNM, en 2006, ou celui de la Comédie-Française, présenté aussi au TNM. Ou bien il propose à son oeuvre un nouvel éclairage, une relecture. En revisitant l'ultime pièce de Molière (sans ses ballets et ses intermèdes musicaux), René Migliaccio ne propose ni l'un ni l'autre, mais plutôt un drôle de compromis artistique.

Son Malade imaginaire, à l'affiche au Lion d'or (cabaret guère propice au théâtre à l'italienne), est une curieuse expérience. Un spectacle étourdissant et bâtard, proche de l'atelier de jeu expérimental - j'allais écrire scolaire, puisque Migliaccio est professeur et coach de «technique théâtrale chamanique»... Une création qui s'amuse avec les genres (commedia dell'arte, masques, théâtre corporel), mais sans en maîtriser aucun.

On connaît l'intrigue autour du loufoque et misérable Argan, rôle qui a été défendu à Montréal par de grosses pointures comiques: Hoffmann, Bouchard, Zouvi. Argan, qui se croit très malade, ne peut vivre sans médecins. Il aimerait avoir un gendre qui pratique la médecine. Pour ce faire, il propose sa fille Angélique à l'insignifiant fils de son omnipraticien préféré. Pendant ce temps, la cupide Béline, mariée en secondes noces, se conduit en marâtre. Or, le frère et la servante d'Argan lui feront voir qui se joue vraiment des «honnêtes gens».

Des images...

D'abord, réglons le cas du «multimédia». Au royaume des Robert Lepage, Victor Pilon et Michel Lemieux, il faut être présomptueux (ou inconscient) pour «vendre» ce spectacle comme une «création multimédia». Ce n'est pas en dissimulant une caméra dans le bonnet d'Argan qu'on maîtrise la technologie. Le metteur en scène projette en toile de fond, et en continu, sur un écran géant, ces images du «point de vue d'Argan» (sic). On se croirait dans un remake de Blair Witch Project... pendant que les acteurs jouent Molière. Ridicule!

Ensuite, si l'exagération des traits comiques et de la bouffonnerie est bienvenue, il faut savoir doser le mélange des genres. Ici, à force de baigner dans la caricature et l'absurde, on évacue le drame sous-jacent dans (presque) toutes les comédies de Molière - et surtout celle-ci, «mélancolique et crépusculaire», qui annonce la mort de l'auteur, quelques heures après la quatrième représentation de son Malade, en 1673.

Heureusement, le jeu nuancé de Jean-Charles Fonti en Argan ainsi que l'aplomb de Catherine Brunet en Béline et, surtout, de Jean-Philippe Richard dans la peau de M. Purgon (le reste de cette distribution est assez inégal) empêchent cette production de la Compagnie de la Lettre 5 d'être un four total.

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Également les 14 et 21 août, au Cabaret du Lion d'or, à 20h.