«On ne badine pas avec le théâtre. Le théâtre est un couvent», a écrit Mrs. Patrick Campbell à George Bernard Shaw. C'est l'une des nombreuses perles échangées entre la grande comédienne, surnommée la Sarah Bernhardt britannique, et le légendaire critique et auteur.

Durant plus de 40 ans, de la guerre des Boers à la Seconde Guerre mondiale, les deux amis ont entretenu une riche correspondance. Pleines d'humour et d'esprit, tantôt tendres, tantôt hargneuses, ces lettres témoignent tant de leur amitié particulière et de leur amour des planches que du revers de gloire qui isolera l'actrice vieillissante, au moment où l'auteur de Pygmalion récolte son Oscar et se dirige vers un Nobel. Le destin a le tour de rapprocher puis d'éloigner les gens qui s'aiment...

Deux grands sur scène

Le directeur du Théâtre Lac Brome, Nicholas Pynes, a eu l'audace et le génie de réunir sur scène Louise Marleau et Albert Millaire dans la comédie épistolaire Cher menteur, adaptation de cette correspondance réalisée par Jerome Kilty et traduite par Jean Cocteau.

On ne présente plus Louise Marleau et Albert Millaire; ou uniquement pour dire que, à l'instar de Mrs. Campbell, les deux interprètes ont connu une carrière brillante et créé d'immortels personnages... avant de se faire oublier dans les coulisses d'un autre siècle guère plus tendre envers ses idoles. Marleau et Millaire ont même accepté de jouer, en alternance, la pièce en anglais et en français, jusqu'à la mi-août.

Le soir de la première, texte en main, les comédiens ont mis quelques minutes avant d'entrer dans leur personnage. Mais l'émotion est venue. Comme si, au fur et à mesure que la correspondance progresse dans le temps, la pièce prenait tout son sens. C'est une production pour amateurs de belles-lettres et de sentiments nobles. Du théâtre intime qui rappelle les pièces que montait feu Henri Barras à l'époque du Café de la Place. Lorsque le public se glisse dans l'intimité d'une oeuvre, grâce aux interprètes, cela s'avère une expérience inoubliable.

Souhaitons qu'un producteur s'intéresse à ce projet et permette à Louise Marleau et Albert Millaire de peaufiner Cher menteur pour le présenter au-delà de l'été dans un petit théâtre montréalais. C'est le moindre hommage que le beau milieu pourrait rendre à ces magnifiques acteurs qui nous ont tant donné...

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Cher menteur, jusqu'au 11 août, au Théâtre Lac Brome.