Bertolt Brecht est de retour à Montréal! Façon de parler. Depuis deux ans, on a eu droit à deux productions de L'opéra de quat'sous et une de La noce chez les petits bourgeois. Cette fois, le metteur en scène René Migliaccio, qui dirige la Black Moon Theatre Company de New York, nous propose une lecture «expressionniste» de Grand-peur et misère du IIIe Reich.

La pièce comprend 24 scènes inspirées de faits divers qui ont marqué l'Allemagne nazie. Elle a été publiée en 1938, avant même le début de la Deuxième Guerre mondiale. Le dramaturge allemand s'est notamment intéressé à l'instauration du régime de peur et de paranoïa qui s'est insinué dans la société allemande de l'époque - où des enfants n'hésitaient pas à dénoncer leurs parents qui s'opposaient aux mesures du parti.

Scènes de la vie quotidienne

Le metteur en scène né en Algérie, qui a vécu à Montréal pendant une quinzaine d'années, s'est concentré sur huit de ces scènes, les plus intimes d'entre elles, en mettant en relief le regard à la fois sévère et amuseur du dramaturge. Les 11 comédiens, tous québécois, interprèteront ainsi ces scènes de la vie quotidienne selon son style de jeu «réaliste expressionniste».

Cette technique de jeu, René Migliaccio la raffine depuis des années. Elle consiste à ancrer les personnages dans la réalité, mais en puisant dans la gestuelle et l'expression qui nous viennent du mime et de la pantomime. «C'est comme si on faisait parler les acteurs d'un film muet, en gardant intacte leur gestuelle», explique-t-il dans un court entretien téléphonique.

Pendant toute la durée de la représentation, les acteurs jouent derrière un écran de tulle, où sont projetées des images d'archives du régime nazi, depuis l'élection d'Adolf Hitler en 1933 jusqu'au début de la guerre. Les acteurs qui jouent sur scène ont également été filmés. Le metteur en scène s'est amusé à juxtaposer des images d'eux en même temps qu'ils sont sur scène.

Créée avec le Théâtre Artefact, Grand-peur et misère du IIIe Reich aborde bien sûr les dérives possibles de nos sociétés contemporaines. Un thème actuel, selon René Migliaccio, qui cite en exemple la limitation des libertés individuelles et les détentions arbitraires aux États-Unis depuis le 11 septembre 2001. Mais aussi le haut niveau de corruption des gouvernements et leur désir de faire taire les voix discordantes.

«Nous ne sommes pas à l'abri de ces décisions autoritaires», plaide le metteur en scène, qui a notamment monté Le procès, de Kafka, L'enfer, de Dante et Les bonnes de Jean Genet. À la fin des années 90, il a présenté une première version de cette pièce de Brecht, à New York et à Los Angeles. Mais cette fois, il assure avoir poussé beaucoup plus loin son exploration de la vidéo et de la gestuelle.

Dans les dernières scènes de Grand-peur et misère du IIIe Reich, les Allemands se soulèvent contre le régime fasciste d'Hitler. Un scénario qui ne s'est évidemment jamais réalisé...

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À l'Espace 4001 jusqu'au 10 mai.