La grande découverte d'Une vie pour deux, ce sont les mots de Marie Cardinal. Ce roman adapté par Evelyne de la Chenelière (Bachir Lazhar) porte un regard acéré mais lucide sur les relations amoureuses. Sur leur authenticité. Avec des pointes d'humour qui dérangent beaucoup plus qu'elles ne font rire.

Un couple «moderne», épris de liberté, assumant certains écarts et infidélités, part en vacances en Irlande, au bord de la mer, afin redonner un nouveau souffle à une histoire d'amour d'une vingtaine d'années. Mais le récit réaliste se transforme rapidement en fable. Sur l'amour, la vie, la mort. Une matière universelle qui pourrait vous faire perdre certaines illusions. S'il vous en reste...

Au cours d'une promenade, Jean fait la découverte d'un cadavre sur la grève. Celui d'une jeune femme noyée dans des circonstances obscures. Cette femme devient vite le sujet de discussion de Jean et Simone, qui se servent de cette histoire, et des détails qu'on en rapporte dans les jours qui suivent, pour faire l'autopsie de leur vie à deux. Des bons comme des mauvais côtés.

Cette femme morte, interprétée par Evelyne de la Chenelière, ressuscitée par le couple qui en fait une véritable obsession, nous racontera des bribes de sa vie, tout en s'entretenant tantôt avec Jean, tantôt avec Simone, des rôles défendus avec beaucoup de justesse et d'intensité par Jean-François Casabonne et Violette Chauveau, qui se révolte notamment contre cette aura de mystère qui enveloppe la noyée.

La metteure en scène, Alice Ronfard (qui est la fille de Marie Cardinal), laisse toute la place aux mots, au coeur de cette pièce. Minimaliste, sa mise en scène repose essentiellement sur le jeu des trois personnages, vêtus comme vous et moi. Sur un bloc de gravier qu'on devine lourd. Alice Ronfard leur a donné un air glacial, sorte d'armure que les personnages tentent de percer pendant toute la durée de la représentation.

Cette froideur que l'on ressent dans la dissection de cette vie à deux, qui se termine sur une note dramatique, a parfois un côté agaçant. Dans la façon d'appuyer sur ces mots. Le texte de Marie Cardinal est assez fort, il n'y a aucune raison de le surligner. Cela dit, la présence scénique des acteurs - Violette Chauveau en particulier - est tellement forte qu'ils finissent par nous toucher. Et les mots, par se rendre jusqu'à nous, intacts. Une pièce à voir, mais surtout un texte à lire.

Une vie pour deux, jusqu'au 19 mai à Espace GO.