Le vertige de la condition humaine consiste à trouver un sens à sa vie. Même avant d'avoir atteint l'âge de la raison, les enfants peuvent deviner le flou qu'il y a au-delà des certitudes immédiates et derrière les explications évasives qu'on leur sert avec délicatesse sur la vie, l'amour et la mort. Des sujets sur lesquels, au fond, on sait bien peu de choses.

Simon Boudreault, l'auteur de Soupers et de Sauce brune, ose un geste audacieux avec D pour Dieu?: explorer l'évolution des questionnements existentiels chez l'être humain du berceau à l'âge adulte. Présenté sous cette forme, le projet peut sembler aride. Or, l'habile auteur et metteur en scène en a fait un spectacle touchant, rigolo et, surtout, théâtral à souhait.

D pour Dieu? raconte une vie. Ce pourrait être celle de l'auteur, qui est le principal interprète de sa pièce. Dans ses grandes lignes, c'est celle de tout le monde, puisque chacun a eu des parents, des amis, un premier amour et des passages à vide. Les anecdotes personnelles, ici, gardent toujours leur caractère universel. D'où ces images intimes qu'elles réveillent dans nos têtes tout au long du spectacle.

Dieu, c'est d'abord le nourrisson qui, devant un «barbu» et des «mamelles» attentifs au moindre de ses besoins, croit l'univers soumis à sa volonté. Un changement de perspective s'impose lorsque ses parents lui résistent pour la première fois: se pourrait-il que Dieu, ce soit eux? Une fois implanté, le doute originel ne le quittera plus et réapparaîtra sous différentes formes au fil des âges.

Pour évoquer cette trajectoire, Simon Boudreault s'appuie d'abord sur un texte touffu, plein d'esprit, de formules parfois prévisibles et d'images fortes. La partition foisonnante (et un peu longue) est aussi rehaussée ou allégée, selon les moments, par un usage heureux de marionnettes, manipulées par l'auteur lui-même ou sa partenaire de jeu, Karine St-Arnaud.

L'idée d'intégrer des marionnettes au spectacle s'avère doublement efficace. Elle lui confère un caractère ludique salvateur et l'éloigne du réalisme, ce qui est fort judicieux lorsqu'on tente de cerner quelque chose d'aussi immatériel que le vide existentiel ou le sentiment de plénitude quasi divin d'un premier amour. L'interprétation de Simon Boudreault, à la fois vulnérable et pince-sans-rire, finit de donner l'impression de se trouver devant un objet théâtral profondément humain.

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Jusqu'au 19 mai au Théâtre d'Aujourd'hui.