Le réputé marionnettiste canadien était ici il y a deux ans pour présenter son spectacle Billy Twinkle, Requiem for a Golden Boy, délirant récit non biographique sur les hauts et les bas... d'un marionnettiste. Le voici de retour avec sa nouvelle création, Penny Plain, qui ne raconte rien de moins que les derniers jours précédant la fin du monde.

L'idée de ce nouveau spectacle de marionnettes, créé à Edmonton l'automne dernier et joué plus de 120 fois, Ronnie Burkett l'a eue en écoutant une entrevue avec David Suzuki, il y a plusieurs années. «Quelqu'un lui avait posé la question: "est-ce que la planète peut survivre aux changements climatiques et à la pollution croissante?", raconte-t-il. Suzuki avait répondu: "La planète va survivre, oui, nous, c'est moins sûr." Ça m'a beaucoup fait réfléchir.»

N'allez pas croire que Penny Plain est un drame écologique pour autant. Ce serait mal connaître ce créateur singulier qui se sert de son humour absurde comme ressort pour donner vie à ses petites et grandes marionnettes burlesques qu'il sculpte lui-même et qui vont vivre à fond leurs derniers moments sur la planète. «Le propos est sérieux, mais en même temps, je ne fais qu'évoquer, avec un certain humour, ce qui pourrait advenir si on ne fait rien.»

Penny Plain est donc une comédie noire qui nous fait vivre les trois derniers jours sur Terre avant la fin du monde tel que nous le connaissons. La pièce met en scène une vieille femme aveugle, Penny Plain, et son chien parlant, Geoffrey. Les nouvelles sont mauvaises. Et ce chien raffiné décide de quitter sa maîtresse pour vivre, le temps qu'il lui reste, une vie... d'homme. Penny Plain passe donc des entrevues avec plusieurs chiens pour le remplacer... C'est finalement une jeune ado qui obtient le poste d'accompagnateur en se faisant passer pour un chien!

Dès le début de la pièce, on entend des extraits sonores de bulletins d'information télévisés. Les textes ont été écrits par Burkett, mais ils sont lus par de vrais chefs d'antenne d'un peu partout au pays, notamment de CBC. «Certains sont sérieux, et d'autres assez drôles, précise Ronnie Burkett. Catastrophes écologiques, pénurie de pétrole, pandémie de grippe, engloutissement de l'Islande, etc. Mais on peut aussi entendre la voix de Jeanne Beker, animatrice de Fashion Television, qui annonce l'organisation, par la communauté gaie, d'une soirée-bénéfice Fashion Fights The Flu pour protester contre la fermeture des bars et des clubs de danse!»

Le marionnettiste «pour adultes» (ne faites pas l'erreur d'amener vos enfants) jure que c'est un hasard si sa pièce est présentée en 2012, justement l'année de la fin du monde selon le calendrier maya. «Si j'étais un homme d'affaires averti, j'aurais dit: "Tiens, on va fêter les 25 ans de ma compagnie en 2012 avec cette pièce sur la fin du monde! (rires)." Ce n'est qu'en travaillant sur ma pièce que j'ai réalisé cette coïncidence. Je me suis dit: "Merde, c'est cette année!"»

Revenons à Penny Plain, qui est la tenancière d'une pension. «Tous les pensionnaires entrent avec ces mauvaises nouvelles et ressortent dans le monde extérieur en claquant la porte, explique le manipulateur et comédien. C'est un peu comme une farce. À mesure que les pensionnaires quittent la maison, la nature envahit la maison de Penny Plain.

Au travers de tout ça, on voit comment les gens réagissent à toutes ces tuiles qui leur tombent sur la tête. Penny Plain représente le dernier vestige de notre civilisation, elle représente tout ce qu'il y a de meilleur en nous. Elle est comme un hibou qui observe le comportement des autres.»

Ronnie Burkett, qui interprète une dizaine de voix tout en manipulant une trentaine de marionnettes à longs fils, est beaucoup moins visible sur scène que dans son précédent spectacle où il se trouvait mêlé à l'histoire, partageant le rôle du marionnettiste avec son personnage de Billy Twinkle. «J'ai toujours été très présent sur scène avec mes marionnettes. Mais là, j'avais envie de leur laisser toute la place, pour voir si elles peuvent jouer seules. Je suis encore un peu visible, mais 90% du temps, je suis dans l'ombre. Et je pense que ça marche bien!»

Penny Plain est présenté à la Cinquième salle de la Place des Arts du 12 au 21 avril.