La réalité dépasse souvent la fiction, dit-on. C'est le cas de cette pièce de l'Anglais Lee Hall, auteur de Billy Elliot, qui s'est inspiré de la véritable histoire des mineurs d'Ashington, initiés à des cours de peinture, pour écrire Les peintres du charbon.

Commençons par la vraie histoire. Celle de ces mineurs d'Ashington, petite ville du nord-est de l'Angleterre, qui ont formé, dans les années 30, le collectif d'artistes The Ashington Group, dont près d'une centaine de toiles sont aujourd'hui exposées au musée Woodhorn Colliery.

Nous sommes en 1934. Dans une mine de charbon près de Newcastle. Les mineurs travaillent dans des conditions abominables. Souvent six jours par semaine. Un jour d'octobre, l'Association des travailleurs invite un professeur d'histoire de l'art, Robert Lyon, à donner un cours aux mineurs. Mais le professeur, qui leur montre des toiles de Michel-Ange, est vite rabroué par le groupe de travailleurs.

C'est alors que Robert Lyon a l'idée d'initier les mineurs à la peinture. Non pas pour commenter des toiles d'artistes, mais pour qu'ils apprennent à peindre eux-mêmes. Et pour après se soumettre à l'exercice de la critique. Son projet décolle. Et pendant une dizaine d'années, 22 mineurs suivront ces cours de peinture une fois par semaine et multiplieront les toiles dans lesquelles, la plupart du temps, ils se représentent dans leur vie souterraine.

Lorsque le metteur en scène, Claude Maher parle des Peintres du charbon, il s'emballe: «C'est une histoire incroyable! Vous vous imaginez, malgré leurs conditions de travail, les longues heures qu'ils passaient dans les mines, ils ont pris le temps, une fois par semaine de se consacrer à l'art. Lee Hall, qui a créé la pièce en 2007, fait souvent référence au monde de la noirceur, de l'obscurité. Lorsqu'il est question de peinture, il y a une illumination qui apparaît dans la vie de ces mineurs.»

«Lee Hall s'est toujours intéressé à l'art et à la culture dans les quartiers ouvriers, rappelle Claude Maher. C'était le cas de Billy Elliot, qui est devenu danseur, ce l'est également pour ces mineurs qui sont devenus peintres. La question qu'il pose est la suivante: peuvent-ils échapper à leur condition sociale grâce à l'art? Et encore: est-ce qu'on peut tous devenir artiste? Lee Hall, qui vient lui-même d'un milieu modeste, disait que l'art était considéré avec suspicion dans les quartiers pauvres. C'est de ça aussi qu'il est question. Du droit et de l'accessibilité à l'art.»

Des reproductions de ces toiles seront projetées sur des écrans pendant la pièce qui se déroule sur une période de 14 ans. «Quand les personnages montrent leurs gravures au professeur (interprété par Gabriel Sabourin), le public les voit, explique Claude Maher. En même temps que Robert Lyon analyse les travaux en question, le spectateur va être confronté directement à la peinture et va intégrer le même langage que celui reçu par les mineurs. C'est vraiment passionnant.» Entre les scènes, des photographies de mineurs durant les années 30, provenant de documentaires et de banques d'archives, seront également projetées.

L'intrigue tourne autour de l'un de ces mineurs, Oliver Kilbourne, interprété par Emmanuel Bilodeau, qui est clairement le plus doué du groupe. Il va d'ailleurs tranquillement se détacher de ses collègues (interprétés par Marc Beaupré, Denis Houle, Serge Thibodeau et Normand D'Amour). Une mécène, Helen Sutherland (Marie Michaud), qui a vraiment existé, s'intéressera à ses tableaux et lui offrira la possibilité de peindre à temps plein. Le mineur devra alors faire un choix.

«Il y a un dialogue intéressant entre le professeur et les mineurs, qui cherchent à comprendre le sens de la peinture, précise Claude Maher. C'est-à-dire, pourquoi les gens s'intéressent à une peinture? Et pourquoi dit-on qu'un tableau est beau? Bien sûr, l'art ne donne pas de réponse, mais pose des questions. La pièce se termine sur une note d'espoir avec la nationalisation des mines, un geste qui laisse entrevoir une amélioration des conditions de travail. Dans toute la pièce, le drame côtoie le rire et les moments de délire. C'est vraiment intéressant.»

Les peintres du charbon, du 4 avril au 12 mai au Théâtre Jean-Duceppe.