Imaginez une situation que vous avez vécue un jour. Si quelqu'un vous avait tendu la main, le résultat aurait-il été différent?

C'est la question que pose sans prétention et avec beaucoup d'humour la pièce Après moi des Éternels pigistes. Le collectif nous raconte trois petites histoires déclinées en six versions. En fait, six occasions de revivre le même moment, en faisant une petite place à «l'autre».

C'était la prémisse de départ de l'auteur, Christian Bégin: parler du besoin des autres à une époque tellement individualiste, que nous vivons tous plus ou moins en solitaire. C'est dans ce contexte que les personnages d'Après moi revivent la même soirée six fois. Un procédé réussi.

Nous sommes dans un motel, sur la 117, près de Val-d'Or. Une tempête de neige force deux couples et un homme seul, tous dans la quarantaine, à s'arrêter là pour la nuit. Après moi nous plonge dans leur quotidien. La mise en scène de Marie Charlebois dessine parfaitement ces trois silos, qui finissent bizarrement par communiquer l'un avec l'autre.

Dans la première chambre, Simon vit une aventure d'un soir avec une coiffeuse (Christian Bégin et Isabelle Vincent); dans la deuxième, un homme séparé, Mathieu (Pier Paquette), vit une grave dépression; et dans la troisième, un couple usé et égaré, Stéphane et Simone, peine à passer par-dessus une terrible épreuve.

Ce couple-là, interprété par Patrice Coquereau et Marie Charlebois, est particulièrement brillant. Évidemment, tout tourne autour de cette étude menée par Simon, qui tente de mesurer l'impact des bouteilles lancées à la mer sur notre propre parcours (autant sur celui qui la remplit que sur celui qui la reçoit). Toute la métaphore d'Après moi est là.

Bref, chacune de ces histoires s'éclaircit à mesure qu'elle se répète. Les personnages sont aussi de plus en plus sincères. Petit à petit, les histoires se relient entre elles. Admettons que ces liens sont arrangés avec le gars des vues. Ce n'est pas très grave. À la fin, on a la conviction que oui, il est possible de changer le cours de notre trajectoire en ouvrant la porte à l'autre. C'est pas mal pour un petit moment de théâtre d'une heure et quart...

Après moi, à La Licorne jusqu'au 14 avril.