«Nuit noire sur la patinoire» dans le quartier Limoilou, un 20 mai 1980. Annette Rochette n'a pas eu le temps d'aller voter au référendum sur la souveraineté. Frappée par un AVC, elle a été amenée d'urgence à l'hôpital. Pour défier la mort, la jeune femme chausse des patins et empoigne un bâton afin de jouer une partie de hockey imaginaire.

Détail: Annette ne sait pas patiner... Par contre, elle sait tricoter, et très bien, comme l'illustre son beau costume à rayures en laine! Alors, elle va remonter le fil de son existence et nous entraîner dans sa belle et tragique aventure. Avec force et émotion.

Disons-le d'emblée, ce solo de 80 minutes écrit et interprété par Anne-Marie Olivier, accompagnée par le musicien Mathieu Girard, représente un petit bijou auquel il n'y a simplement rien à enlever ni à ajouter. Créé en octobre 2009 dans la Vieille Capitale, au Périscope, ce spectacle mis en scène par Kevin McCoy et Pierre-Philippe Guay a été repris plusieurs fois depuis, mais jamais à Montréal (il est l'affiche de La Licorne jusqu'à samedi seulement).

Une parole universelle

Le grand maître français de l'interprétation Jacques Lecoq disait du théâtre qu'il peut parfois changer la vie et le destin. Anne-Marie Olivier a écrit Annette après la mort «trop rapide et injuste» d'un de ses proches. Annette est donc un hommage à la vie à travers la création scénique. Tant par son jeu physique, parfaitement maîtrisé, que par son écriture simple et imagée (le texte est publié chez Dramaturges Éditeurs), Mme Olivier est porteuse d'une parole allégorique et universelle.

Dans le destin singulier d'Annette Rochette, conçue un soir de la Saint-Jean et née dans une charrette pendant le défilé du Carnaval de Québec, c'est l'histoire d'un peuple qu'on devine. Particulièrement le drame de ces femmes québécoises qui, au milieu du XXe siècle, avaient la malchance de céder au désir avant le mariage. Entre viols déguisés, grossesses non désirées et travaux de misère, ces jeunes filles «de mauvaise vie» cachaient leur mal de vivre en disparaissant prématurément...

Démons de la vie, Annette subira finalement le sort de sa mère, morte sans avoir eu le temps d'aimer. Mais l'auteure évite le mélodrame avec une fin ouverte et une lueur espoir. Merveilles de la vie, le combat du personnage n'aura pas été vain. Peu importe si Annette perd son match contre la mort, elle a déjà gagné nos coeurs!

Annette, par et avec Anne-Marie Olivier. Au Théâtre La Licorne, jusqu'au 3 mars.