L'auteur napolitain Francesco Silvestri fait l'objet d'une première production québécoise dans le cadre du cycle italien du Théâtre de l'Opsis. Sa pièce Fratellini (Frères), traduite et mise en scène par la directrice de la troupe, Luce Pelletier, a pris l'affiche mardi au Théâtre Prospero.

Court et apaisant spectacle de 65 minutes - la durée d'une messe, vous verrez pourquoi plus loin -, Frères est un bel hymne à l'amour pur, naïf, sans jugement. L'amour de Gildo pour son petit frère seul et mourant qu'il va régulièrement visiter et soigner dans sa chambre d'hôpital dans un village du sud de l'Italie, à l'insu de sa famille.

Hasard des programmations, les malades alités occupent en même temps les scènes de quatre compagnies montréalaises (Duceppe, Rideau Vert, Segal et Prospero)! Or, dans Frères, on ne nomme jamais «la méchante maladie qui se transmets par le sang». Mais on devine rapidement qu'il s'agit du sida.

L'auteur a écrit sa pièce en 1996, avant la trithérapie, à l'époque où les sidéens tombaient comme des mouches, ce qui devait donner un caractère encore plus tragique à son oeuvre. Le texte est en fait un soliloque de Gildo (le jeune frère se laisse soigner dans son lit, toujours silencieux) dans lequel le personnage fait plusieurs références liturgiques, à la messe, aux prières... Là encore, la résonance est sûrement plus directe dans la catholique Italie qu'ici et maintenant.

Cela dit, on aurait tort de limiter la pièce à la religion catholique et au sida. Car l'oeuvre est plus grande que la somme de ses thèmes. Le texte est aussi porteur de ludisme, de tendresse et de luminosité, autant de qualités qui sont parfaitement incarnées dans le jeu d'Émile Proulx-Cloutier. Ce dernier est très touchant dans le rôle du grand frère un peu simple d'esprit, qui trouve dans les gestes méthodiques des soins hospitaliers ceux des rituels et des cultes liturgiques. C'est une performance remarquable.

À ses côtés, son petit frère couché ressemble à un ange descendu du ciel avec l'interprétation tout en retenue que livre le jeune Benoît Rioux.

Dans cette histoire simple où se mêlent l'enfance et la mort, la fable et la tragédie, la souffrance et la poésie, il y a un peu de Pasolini. Là où l'art touche au sacré, pour devenir comme un baume sur la douleur humaine.

Frères de Francesco Silvestri. Mise en scène de Luce Pelletier. Au Théâtre Prospero, jusqu'au 10 mars.