Le Nouveau Théâtre expérimental (NTE) ne fait heureusement rien comme les autres. Pour le meilleur et pour le pire. Avec Invention du chauffage central en Nouvelle-France, le tandem Alexis Martin et Daniel Brière nous esquinte pendant trois longues heures. Le temps d'un accouchement, quoi.

L'idée de départ n'est pourtant pas banale. De la fondation de Québec, en 1608, à la crise du verglas, en 1998, l'auteur et comédien Alexis Martin explore notre rapport au froid, mais aussi à notre langue, des premiers colons aux Québécois modernes. Un angle original et rempli de promesses qui nous ramène à notre sempiternelle quête identitaire.

Mais ce récit historique anachronique, qui met en scène à la fois Samuel de Champlain, Gaston Miron, Louis-Joseph Papineau, le curé Labelle et les frères Dubois dans toutes sortes de situations, se perd en circonvolutions. Et le texte poétique et politique, qui regorge de petites histoires qui n'aboutissent pas toujours (incluant une légende amérindienne), a tôt fait de nous assommer.

Dans tous ces sauts dans le temps et ces histoires qui se superposent, il y a bien quelques petites perles. Comme cette rencontre entre Champlain et ses camarades à la recherche d'un habit d'hiver qui serait aussi chaud que les fourrures des «sauvages», mais assez élégant pour être porté par des Français... D'où la solution de cacher la fourrure à l'intérieur du manteau!

Mais entre cette entreprise familiale de fournaises au mazout, ces prêtres qui cherchent à évangéliser les Autochtones, le Carnaval de Québec, la tempête du siècle, les problèmes d'alcoolisme dans les réserves et les réflexions de Gaston Miron sur le non-poème, on finit par y perdre son latin. On aurait préféré assister à une conférence d'Alexis Martin sur la question du froid dans le développement de notre société francophone d'Amérique...

Cela dit, la scénographie et le décor sont particulièrement bien réussis. Les sièges ont été placés de part et d'autre de la scène, elle-même entourée de panneaux en plexiglas amovibles. La mise en scène de Daniel Brière utilise cet espace de jeu de façon très astucieuse, notamment avec ses trappes cachées dans le plancher et ses tempêtes de neige activées par des souffleuses à feuilles (!) Les déplacements des comédiens (et du chien!) sont fluides, et la perspective du spectateur est particulièrement intéressante.

La distribution est rondement menée par Alexis Martin et Luc Guérin (excellent dans tous ses rôles), entourés d'Émilie Bibeau, Marie-Ève Trudel et Danielle Proulx, qui chantent toutes les trois durant les transitions (avec l'aide d'un enregistrement) en plus de multiplier les rôles avec beaucoup de talent. Pierre-Antoine Lasnier, Carl Poliquin et Benoît Drouin-Germain sont peut-être moins constants, mais ils font quand même ce qu'ils peuvent avec ce texte biscornu et dense accouché dans la douleur. La nôtre.

À l'Espace Libre jusqu'au 8 mars.