Sans être nouvelle ni révolutionnaire, l'idée à la base de Requiem pour un trompettiste est ludique et théâtrale: scinder en deux le récit d'une pièce, puis proposer aux spectateurs à l'entrée du Théâtre Espace libre de choisir laquelle des deux parties ils désirent assister au premier puis au deuxième acte. À l'intérieur, on nous fournit des écouteurs (le système a malheureusement flanché mardi soir) pour nous éviter d'entendre les dialogues de l'autre histoire qui se déroule simultanément.

Côté cour, le bureau de la mairie où deux sous-fifres s'appliquent à éteindre le feu d'un scandale municipal. C'est le versant public de cette pièce inspirée de l'affaire de l'eau contaminée à Walkerton, en Ontario, sous le gouvernement conservateur de Mike Harris. Mais l'auteur Claude Guilmain ne fait pas directement référence à Walkerton (Requiem pour un trompettiste se déroule en 1958), ni d'ailleurs à l'actualité d'hier ou d'aujourd'hui. Il reste même flou sur les véritables motivations des manigances du maire corrompu. Son intérêt est davantage de montrer (voire dénoncer) la désinformation, la manipulation et le cynisme entourant le pouvoir politique et sa gestion du bien public. Toutes époques confondues.

Côté jardin, une chambre d'hôtel dans laquelle le maire (Pier Paquette, pas très nuancé dans son rôle de réactionnaire macho) entretient une liaison clandestine avec une prostituée/maîtresse - la place qu'elle occupe vraiment dans la vie de son amant n'est pas claire. Ce dernier est aussi grossier en privé qu'en public. Et il nous confirme que les hommes de pouvoir ont la libido au plafond!

Ajoutez à cela un décor hyperréaliste (de Claude Guilmain et Dany Boivin), une musique jazz à la Miles Davis, envoûtante et omniprésente (composée par Claude Naubert), de l'alcool et beaucoup de fumée de cigarette, tout est en place pour nous plonger dans une atmosphère de film noir.

Mais n'est pas Hitchcock qui veut. La mise en scène (de Louise Naubert) a davantage les airs légers du théâtre d'été que le halo de mystère du polar. On est loin de Touch of Evil d'Orson Welles, chef-d'oeuvre du genre. Il faut dire que le jeu des acteurs n'est pas très convaincant; et le texte, bourré de clichés sur le bien et le mal, n'est pas fort. De plus, l'auteur fait sacrer ses personnages aux trois répliques. Comme si la race des corrompus et des magouilleurs ne pouvait pas avoir une once d'élégance ni d'intelligence.

Dommage. Parce qu'avec cette production, le Théâtre La Tangente de Toronto est l'une des rares compagnies à faire du théâtre politique. Aussi, parce que le souhait de la troupe de se servir du théâtre comme lieu de débat public, à la Brecht, reste très louable. Mais cette oeuvre, à notre avis, est trop caricaturale pour provoquer un véritable débat autour des questions de la corruption de nos élus et de la fatigue politique actuelle.

Au mieux, Requiem pour un trompettiste nous montre qu'il n'y a pas que le Bye Bye qui peut ridiculiser le merveilleux monde politique.

À Espace libre jusqu'au 21 janvier