Avec la pièce Déversoir, au théâtre La Chapelle il y a déjà trois ans, on avait déjà eu un avant-goût de la nouvelle «piste» artistique qu'avait empruntée la contorsionniste Angela Laurier. Sans retenue ni pudeur, la grande soeur de Lucie a fait le choix courageux d'utiliser la maladie mentale dans sa propre famille comme fondement même de son travail créatif.

J'aimerais pouvoir rire, avec la cadette Lucie qui se joint à l'aventure en tant que metteure en scène, poursuit cette exploration de la folie comme état révélateur et cathartique.

Dominique, le frère schizophrène, agit comme un miroir dérangeant, avec la longue traversée solitaire de son existence en dents de scie, dans un corps qui est «une prison.» On le rencontre en photos pendant ses années de jeunesses, on le retrouve plus tard, dans la trentaine, dans un extrait vidéo où il évoque son vagabondage à San Francisco, l'acceptation de sa maladie, ses injections mensuelles, son destin d'assisté social, son quotidien fait de cafés et de cigarettes...

Les soeurs Laurier se lancent dans plusieurs directions avec ce spectacle à la fois sombre, lumineux et même joyeux, avec la présence sur scène de musiciens.

De belles trouvailles scénographiques se révèlent dans cette pièce, qui débute avec une Angela hissée sur un socle, le corps tordu et recouvert d'un drap blanc qui se répand sur le reste de la scène, faisant des vagues par la propulsion d'un jet d'air. Comme une ombre minimalement éclairée, le corps d'Angela devient un objet étrange et fascinant à observer.

Le drap, ensuite hissé verticalement devant la scène, devient un écran où sont projetées des photos de famille et des vidéos documentant l'histoire d'un clan aux yeux perçants et aux visages souriants. Mais Angela, dès le début, nous prévient: son histoire familiale en est une de résilience...

Un peu éparpillé, brut, ultra personnel, marqué par plusieurs crescendos visuels très réussis, J'aimerais pouvoir rire est une fenêtre grande ouverte sur le destin difficile d'une famille où l'art est un puissant agent de guérison et d'expression d'un mal de vivre.

La pièce culmine dans des zones inquiétantes, des références aux hallucinations et à la quête spirituelle de Dominique, attiré par les rites amérindiens et curieux des expériences vécues par les mystiques. Des réflexions philosophiques profondes et troublantes, illustrées par le mouvement des projections et de la peinture en direct. On en sort troublé et dérangé. Mais certainement pas indifférent.

J'aimerais pouvoir rire, de et avec Angela Laurier, mise en scène de Lucie Laurier, à l'Usine C jusqu'au 19 novembre.